Page:Roussel - Idées religieuses et sociales de l’Inde ancienne.djvu/67

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Et pourtant le poète, il faut lui rendre cette justice, s’efforce d’inspirer la haine du mensonge. Il place dans la bouche du sage Kaçyapa tout un sermon sur ce sujet. Voici, entre autres, les paroles qu’il lui prête. Kaçyapa les adresse à un chef de Daityas, venu le consulter :

« Répondre par le mensonge à celui qui interroge légalement, ô Prahlâda, c’est avec la ruine (des mérites acquis par) les sacrifices et les ablutions saintes, perdre sept générations d’ancêtres et sept générations de descendants »[1].

Lorsque Vidura cherchait à convaincre son frère consanguin[2], Dhṛtarâṣṭra, de la funeste influence qu’exerçait sur lui son fils aîné, Duryodhana, qu’il qualifiait de chacal[3], et dont l’ambition démesurée devait causer la destruction de toute sa race, il lui rappela l’apologue du dénicheur d’abeilles :

« Écoute ce que disait Kavi[4]. Le chercheur de miel, dans son avidité, ne songe pas au péril. Il continue de grimper jusqu’à ce qu’il tombe. (Duryodhana), dans sa passion pour les dés, imite la folie du chercheur de miel ; il ne réfléchit pas au danger qu’il y a de s’aliéner de puissants guerriers »[5]

Le miel que déposent les abeilles au sommet des arbres, ou sur la cîme des rochers, est une proie dangereuse. Ainsi en est-il des Pâṇḍavas dont la valeur était redoutée de tous. Comme si Vidura craignait que cet apologue ne suffit pas, il en ajoute immédiatement un autre, destiné,

  1. LXVIII, 80.
  2. Cf. Bhag. Pur. 9, XXII, 24.
  3. LXII, 4.
  4. C’est-à-dire Çukra, suivant la glose.
  5. Id. 5 et 6.