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lui aussi, dans sa pensée du moins, à détourner son frère de persécuter ses neveux, pour s’enrichir de leurs dépouilles. Nous l’avons cité plus haut :

« Dans une forêt habitaient des oiseaux qui dégorgeaient de l’or. Poussé par la cupidité, un roi les attira dans sa maison et les tua. De la sorte, aveuglé par sa passion, ce prince cupide ruina du même coup l’avenir et le présent »[1].

C’est la fable de la « Poule aux œufs d’or », contée avec infiniment moins de charme que ne devait le faire notre La Fontaine[2]. Nous n’avons guère ici qu’un double canevas, à la façon du recueil de Planudes. Nîlakaṇṭha observe que par avenir et présent, l’on doit entendre la vie future et l’existence actuelle. Celui qui se laisse emporter par la cupidité, non seulement détruit le bonheur dont il pourrait jouir dans ce monde, mais il se ménage une triste destinée dans l’autre.

C’est ce que Vidura exprimait en ces termes :

« Le fils de Dhṛtarâṣṭra ne comprend pas que la fourberie est une porte formidable (ouverte sur) l’enfer »[3].

Parfois l’homme de bien lui-même, cédant à un mouvement irréfléchi, devient la victime de l’erreur, comme poussé par la destinée. Vaiçampâyana disait :

« Râma, (bien que sachant) qu’un animal réel ne peut être en or, se laissa égarer par sa passion »[4].

Il s’agit de l’épisode fameux du Râmâyaṇa et du démon Mârîca déguisé en une gazelle toute en or que Râma poursuivit follement, pendant que Râvaṇa, profitant de

  1. Id. 13 et 14.
  2. V, 13.
  3. LXVI, 10.
  4. LXXVI, 5.