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Il aurait dit volontiers avec le poète florentin :

Non ragionam di lor, ma guarda e passa[1].

Peut-être vaut-il mieux encore outrager positivement le dieu que de le passer sous silence et de ne point s’occuper de lui. C’est, du moins, ce qui semble ressortir de l’histoire de Çiçupâla, mentionné ci-dessus.

Ce prince était coutumier de ces insultes à l’adresse de Kṛṣṇa. Çrulaçravas, tante de celui-ci, l’adjura de pardonner cent fois au coupable[2], son fils. Kṛṣṇa y consentit ; or, Çiçupâla l’ayant insulté pour la cent-unième fois, il le tua, comme nous venons de le voir, mais il le sauva en même temps, par son châtiment même[3].

Le Bhâgavata en donne la raison. Il fait remarquer d’abord qu’au moment même où il le décapitait, du corps du roi des Cedis sortit une flamme qui vint se poser aux yeux de tous sur Bhagavat, son meurtrier, « comme un météore qui s’abat du ciel sur la terre ». Il poursuit : « Parce qu’il reportait sur Bhagavat sa pensée, animée d’une haine qui était allée toujours croissant, durant trois renaissances, il se confondit en lui, car une pensée obstinée détermine l’identification [du sujet pensant et de l’objet pensé][4].

Ailleurs Vyâsa, car on attribue au même poète inspiré le Bhâgavata et le Mahâbhârata, explique sa doctrine à l’aide d’une comparaison plus ingénieuse, peut-être, qu’exacte : « Le ver, dit-il, assiégé par la guêpe dans le

  1. Inf. III, 17.
  2. XLIII, 20 et suiv.
  3. XLIV, 27.
  4. 10, LXXIV, 46.