Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/161

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qui, moulée avec précision, représentait la Tentation d’Ève.

Au milieu, le serpent, enlacé à un tronc d’arbre, tendait sa tête plate vers Ève gracieuse et nonchalante, dont la main, dressée ostensiblement, semblait repousser le mauvais esprit.

Les contours, d’abord très nets, s’épaississaient à mesure que le nuage montait dans les airs ; bientôt tous les détails se confondirent en un bloc mouvant et chaotique, promptement disparu dans les combles.

Une seconde émanation de fumée reproduisit le même tableau ; mais cette fois Ève, sans lutter davantage, allongeait les doigts vers la pomme qu’elle s'apprêtait à cueillir.

Roméo tournait ses yeux hagards vers le foyer, dont les flammes vertes éclairaient les tréteaux de lueurs tragiques.

Une épaisse fumée minutieusement sculptée, s’échappant à nouveau du brasier, créa devant l’agonisant un joyeux bacchanal ; des femmes exécutaient une danse fiévreuse pour un groupe de débauchés aux sourires blasés ; dans le rond traînaient les restes d’un festin, tandis qu’au premier plan celui qui semblait jouer le rôle d’amphitryon désignait à l’admiration de ses hôtes les danseuses souples et lascives.

Roméo, comme s’il reconnaissait la vision, murmura ces quelques mots :