Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/162

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— Thisias… l’orgie à Sion !…

Déjà la scène vaporeuse s’élevait en s’effiloquant par endroits. Après son envolée, une fumée neuve, issue de la source habituelle, réédita les mêmes personnages dans une posture différente ; la joie ayant fait place à la terreur, ballerines et libertins, pêle-mêle et à genoux, courbaient le front devant l’apparition de Dieu le Père, dont la face courroucée, immobile et menaçante au milieu des airs, dominait tous les groupes.

Un brusque enfantement de brouillard modelé, succédant au ballet interrompu, fut salué par ce mot de Roméo :

— Saint Ignace !

La fumée formait ici deux sujets étagés, séparément appréciables. En bas, saint Ignace, livré aux bêtes du cirque, n’était plus qu’un impressionnant cadavre inerte et mutilé ; en haut, un peu à l’arrière-plan, le Paradis, peuplé de fronts nimbés et offert sous l’aspect d’une île enchanteresse environnée de flots calmes, attirait vers lui une seconde image du saint, qui, plus transparente que la première, évoquait l’âme séparée du corps.

— Phéior d’Alexandrie !

Cette exclamation de Roméo visait un fantôme qui, fait de nébulosité ciselée, venait d’émerger