Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/180

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de marbre, un jet d’eau sortant d’un tube en jade dessinait gracieusement sa courbe élancée.

De côté se dressait la façade d’un somptueux palais dont une fenêtre ouverte encadrait un couple enlacé. L’homme, personnage gras et barbu vêtu comme un riche marchand des Mille et une Nuits, portait sur sa physionomie souriante une expression de joie expansive et inaltérable. La femme, pure Moresque par le costume et par le type, restait languissante et mélancolique malgré la belle humeur de son compagnon.

Sous la fenêtre, non loin du bassin de marbre, se tenait un jeune homme à chevelure bouclée, dont la mise, comme temps et comme lieu, semblait coïncider avec celle du marchand. Levant vers le couple sa face de poète inspiré, il chantait quelque élégie de sa façon, en se servant d’un porte-voix en métal mat et argenté.

Le regard de la Moresque épiait avidement le poète, qui, de son côté, demeurait extasié devant l’impressionnante beauté de la jeune femme.

Tout à coup, un mouvement moléculaire se produisit dans les fibres de la plante lumineuse. L’image perdit sa pureté de coloris et de contours. Les atomes vibraient tous à la fois, comme cherchant à se fixer suivant un nouveau groupement inévitable.