Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/306

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il parut à la mairie, les conscrits assemblés reconnurent sans peine leur célèbre compatriote et spontanément, après le tirage au sort, lui firent tous fête à la sortie.

Carmichaël, suivant leur exemple, dut épingler à son chapeau un souple numéro chargé d’éclatantes enluminures, et, pendant une heure, ce fut par les rues de la ville une joyeuse et fraternelle promenade accompagnée de gambades et de chants.

Au moment des adieux, Carmichaël distribua des billets de faveur à ses nouveaux amis, qui, le soir, firent irruption dans les coulisses des Folies-Marseillaises en brandissant avec des gestes légèrement avinés leurs chapeaux toujours ornés d’éblouissantes imageries. Le plus titubant de tous, fils d’un des premiers tailleurs de la ville, voyant Carmichaël en grande toilette et sur le point de paraître en scène, sortit de sa poche une paire de ciseaux et une aiguillée de fil enveloppées dans un large échantillon de soie noire, puis, avec une insistance d’ivrogne, voulut coudre sur l’élégante robe bleue le numéro 472 tiré le matin par son illustre camarade.

Carmichaël, en riant, se prêta de bonne grâce à cette bizarre fantaisie, et, après dix minutes de travail, trois chiffres artistement découpés et cousus s’étalèrent en noir sur sa longue traîne.

Quelques instants plus tard, les conscrits, installés