Page:Roussel - Impressions d Afrique (1910).djvu/392

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liquide par une série de soubresauts accomplis sans erreur aux places voulues.

Jamais Skarioffszky n’eût osé compter sur une aussi prompte compréhension. Sa tâche lui parut désormais facile et fructueuse.

Mesure par mesure il apprit au ver plusieurs mélodies hongroises vives ou mélancoliques.

Le tzigane commençait par se servir de sa brindille pour éduquer le reptile, qui ensuite reproduisait sans aucun secours le fragment demandé.

Voyant l’eau se glisser à l’intérieur de la cithare par deux ouvertures de résonance, Skarioffszky, à l’aide d’une épingle, pratiqua sous l’instrument un trou imperceptible qui laissa fuir en fine cascade le trop-plein du liquide recueilli.

La provision était parfois refaite à la rivière toute proche, et le travail marchait à souhait.

Bientôt, poussé par une ambition grandissante, le Hongrois, une brindille dans chaque main, voulut obtenir deux notes à la fois.

Le ver s’étant prêté d’emblée à cette nouvelle exigence, les morceaux de cithare, invariablement basés sur le choc parfois simultané de deux baguettes, devenaient tous abordables.

Décidé à paraître au gala comme dresseur et non plus comme exécutant, le tzigane, pendant plusieurs jours, s’attela passionnément à sa besogne éducatrice.