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De même que par son enseignement il voulait satisfaire la soif de vérité qui dévorait l’esprit humain ; de même il a voulu donner à l’âme un aliment qui convînt à sa nature quasi-divine, et qui pût ranimer sa vie surnaturelle alors défaillante.

Quel est cet aliment merveilleux, et comment a-t-il pu le produire ?

En opérant le miracle des miracles que nous allons maintenant étudier.

Approchons-nous religieusement de ce grand mystère ; et voyons d’abord en quoi consiste la vie surnaturelle de l’homme ? Elle consiste à vivre dans l’état de grâce et dans l’union avec Jésus-Christ. Elle consiste à reproduire le type divin d’après lequel l’homme a été fait, et à devenir une image aussi parfaite que possible de son Créateur.

Car, ne l’oublions pas, Messieurs, l’homme est presqu’un Dieu, un peu au-dessous d’Élohim, dit le Roi-Prophète, dans le texte hébreu, ou un peu au-dessous des anges, dit le texte latin : il est même un fils de Dieu.

Or, l’homme ne peut arriver à ces hautes destinées qu’en vivant sur la terre de la vie surnaturelle, en union avec Dieu. Mais est-il raisonnable qu’une telle vie puisse être alimentée par les produits de la nature ? Évidemment non. À cet être qui est l’image de Dieu, et presque Dieu, il faut un aliment divin. Et qui le produira cet aliment ? Ce ne sera pas l’industrie humaine. Tout le génie humain, uni aux forces de la nature, ne pourra jamais inventer une nourriture surnaturelle et divine.

Aussi est-ce Dieu lui-même qui avait mis à la disposition du premier homme un arbre mystérieux appelé l’arbre de vie, dont le fruit devait le préserver de la mort. Mais vous savez comment Adam préféra manger le fruit défendu et fut condamné à mourir. Chassé du paradis terrestre, il emporta cependant dans son exil la promesse de Dieu qu’un autre arbre de vie, dont le premier n’avait été que la figure, serait un jour planté sur la terre et que son fruit divin offert en sacrifice, rachèterait l’humanité.

Or, c’est un fait historique incontestable que cette promesse, et cette prophétie ont été réalisées, que le véritable arbre de vie a été planté sur le Calvaire, et qu’en vertu de l’institution eucharistique le corps de Jésus-Christ, qui en était le fruit, est devenu pour toujours l’aliment divin de la vie surnaturelle de l’homme.

Mais, direz-vous peut-être, entre le drame de l’Éden et celui du Calvaire, quarante siècles ont passé ; est-ce que pendant cette longue période Dieu a laissé l’homme sans alimentation pour entretenir sa vie surnaturelle et son union avec lui ?

Non, Messieurs, seulement c’était une alimentation symbolique ou figurée. C’était la manducation de la chair des victimes sacrifiées à la divinité.

Nous touchons là, Messieurs, à l’un des phénomènes les plus étonnants et les mieux constatés de l’histoire universelle. Chez tous les peuples qui ont eu une religion et un culte, on a constaté la pratique des sacrifices sanglants, et dans ces sacrifices une partie des victimes qui était la