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LE CENTURION

— Eh ! bien, ne pouvez-vous pas faire la même chose ?

— Oh ! moi, Camilla, je ne vous ressemble pas. J’ai un triste passé, que vous ignorez, et qu’il me faut noyer dans mes larmes.

J’ai méconnu l’amour, je l’ai prostitué ; et toute une vie de sacrifices devra effacer les taches qui ont souillé mon cœur. Je ne suis pas digne de cet amour chaste que vous pouvez avoir pour le centurion ; et tout ce que je puis espérer, c’est que le Prophète rende à mon repentir la pureté que j’ai perdue.

Voilà pourquoi je veux lui consacrer ma vie entière, et tout ce qu’il peut y avoir encore de sentiment dans mon pauvre cœur.

— Et ce don exclusif de vous-même, cet amour extraordinaire qui me semble encore bien mystérieux, vous donne-t-il au moins quelque bonheur ?

— Il y a des jours où mon âme est rafraîchie, et réconfortée par des aspirations qui m’emportent dans les hauteurs, comme la colombe soulevée par les brises de la mer.

Alors, les bruits de la terre cessent d’arriver jusqu’à moi. Je la perds même de vue, et j’entre dans une atmosphère de délices que je ne puis pas vous décrire.

Mais j’ai aussi des jours de dépression morale, d’obscurité et d’affaissement intime. L’esprit du Mal m’inspire alors le découragement, et des pensées de désespoir.