Page:Routhier - Québec et Lévis à l'aurore du XXe siècle, 1900.djvu/126

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui divisait le cours des eaux, et qu’il nomma île de Bacchus. De chaque côté, des rives boisées, hautes comme des montagnes au sud, et en pente douce au nord, se réfléchissaient dans le miroir de ce havre splendide.

Quel pittoresque et grandiose paysage ! Quel port superbe pour abriter une flotte ! Quel site pour y jeter les fondations d’une ville moyen âge, hérissée de fortifications et de citadelles !

Émerveillé de sa découverte, Jacques Cartier se laissait aller au fil de la marée, dans la jolie petite rivière qui porte aujourd’hui le nom de Saint-Charles, lorsqu’il aperçut, à gauche, dans une éclaircie des bois du versant de la côte, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le coteau de Sainte-Geneviève, une bourgade sauvage : c’était Stadaconé, ou Québec préhistorique.

Plus de cinq cents Indiens qui en sortirent lui apparurent, et accoururent sur le rivage au-devant de lui, manifestant une grande admiration mêlée de stupéfaction.

Stadaconé paraissait être alors la capitale du Canada, qui s’étendait de l’île aux Coudres jusqu’aux environs d’Hochelaga. La tradition veut, cependant, que le nom de Canada ait désigné, à l’origine, tout le pays arrosé par le Saint-Laurent et ses tributaires, et qu’il ne fut divisé que plus tard en trois royaumes, portant les noms de Saguenay, de Canada et d’Hochelaga.[1]

Profitant de la marée haute, Cartier remonta la rivière Saint-Charles avec la Grande et la Petite-Hermine, jusqu’à l’embouchure du ruisseau Lairet, laissant en rade l’Émerillon, sur lequel il se proposait d’aller visiter Hochelaga.[2]

Cinq jours après, c’est-à-dire le 19 septembre, Cartier partit pour Hochelaga, à bord de l’Émerillon. Nous ne pouvons l’y suivre et raconter les intéressants épisodes de ce voyage.

Il revint à Stadaconé le 11 octobre. Dans l’intervalle, ses marins avaient mis la Grande et la Petite-Hermine en hivernage, dans l’entrée du ruisseau Lairet, et ils avaient construit un fort.

Donnacona, l’agouhanna ou seigneur de Stadaconé, vint

  1. Jacques Cartier, par N.-E. Dionne, p. 57.
  2. Dès ce temps-là, les marins prudents n’osaient risquer leurs grands navires jusqu’à Montréal. Voilà un précédent, comme on dit au palais.