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MADEMOISELLE D’AMPURIAS

En entendant le cri de Brossard, les gens du voilier à patin tournèrent la tête et reconnurent le misérable qui voulait leur vie et leur or.

La voile s’enfla, et le traîneau s’ébranla.

Brossard et ses hommes arrivaient.

— Dieu nous soit en aide ! murmura de Noyelles.

Et il fit le signe de la croix.

Mais le vent augmenta et Pierre eut la satisfaction de voir son travail couronné de succès ; le traîneau, maintenant bien enlevé, glissait sur la surface durcie de la neige, comme un oiseau qui rase la cime des vagues.

Chaque instant voyait sa vitesse s’accroître jusqu’à son plus haut degré.

Les deux Yhatchéilinis se tenaient solidement cramponnés à leur poste, probablement un peu effrayés de cette allure rapide qu’ils n’avaient jamais éprouvée auparavant.

Pierre calme et souriant gouvernait bien.

Ils étaient sauvés !

Il va sans dire que l’or qu’ils allaient chercher n’avait pas été abandonné à la Pipe.


XVI

MADEMOISELLE D’AMPURIAS


Le retour de Pierre au fort, dans son étrange traîneau, avait fait sensation parmi la garnison, et fourni matière à maints contes de la part des vieux braves qui formaient l’effectif de Joseph.

Le Renard et l’Écureuil apprirent avec une vive douleur le massacre de leurs parents et amis. Leur sœur qui servait Mlle d’Ampurias avait aussi échappé au drame sanglant. Les deux frères aimaient beaucoup les visages-pâles et demandèrent l’autorisation de toujours demeurer avec eux ; Joseph la leur accorda volontiers.

L’hiver déjà avancé à cette époque — l’on était au mois de février — s’écoula sans que d’autres sauvages se montrassent de loin ou de près aux hôtes du poste français.

Le printemps renaissait, et Joseph songea à revoir M. de Niverville.

Il mit ses embarcations d’écorce de bouleau en bon état, prépara tout pour son départ, et, dès qu’il jugea la rivière navigable, il embarqua.

La rivière, grossie par les eaux du printemps, coulait plus rapide, et les voyageurs éprouvèrent moins de fatigues pour le retour qu’à leur venue en 1751. Leurs canots filaient comme des flèches sur le cours d’eau.

Un jour, de Noyelles disait à son ami : — Si nous posions un mât et une corde à chaque esquif, ne pourrions-nous pas accélérer sensiblement notre vitesse ?

La proposition fut mise en pratique et, en effet, donna une allure plus grande aux légères barques.