Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1781, tome 1.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

pincez-les, & vous aurez à l’automne une pousse forte & vigoureuse. Au commencement de la troisième année, & dans la saison propre, greffez en écusson ou en couronne. C’est la grosseur du tronc qui doit décider l’espèce de greffe à employer. Alors choisissez pour greffe l’espèce d’abricot, de prune ou de pêche que vous desirez. Dans tout état de cause, la greffe doit être placée à six pouces au-dessus de terre. C’est pour se conformer aux idées reçues, que l’on répète ici ce précepte si recommandé par les jardiniers & par les auteurs qui ont traité des arbres fruitiers. Je prie de suspendre tout jugement, jusqu’à ce qu’on ait lu les articles Espèce & Greffe. Ils présenteront quelques idées nouvelles, confirmées par l’expérience, & qui sont de la plus grande importance. Revenons à notre sujet.

Il est certain qu’ayant donné au tronc le tems de se fortifier, & le terrain étant bien travaillé, le jet qui s’élancera de greffe, montera à cinq ou six pieds, & l’arbre sera tout formé.

Pour perfectionner la qualité des fruits, quelques amateurs se sont amusés à greffer plusieurs années de suite le même arbre, & ils s’en sont bien trouvés. La greffe raffine, perfectionne la sève, les sucs qui montent sont plus épurés. En suivant cette méthode, on peut greffer plusieurs fois sur le tronc, en le coupant à chaque opération, ou sur les branches qu’il aura poussées. D’autres amateurs greffent plusieurs espèces d’abricots sur un même sujet. La bigarrure des fruits surprend, elle est même agréable à l’œil ; mais rarement ces arbres durent long-tems dans cet état. L’espèce d’abricot dont la végétation est plus rapide que celle de l’abricot son voisin, & par conséquent qui pousse des bois plus forts, absorbe peu à peu la sève des branches voisines, & celles-ci dépérissent. Toutes ces bigarrures sont contre nature.

Il est démontré que la réussite d’un arbre dépend en grande partie de la manière dont on l’a enlevé de la pépinière, & dont il a été replanté. Dans toutes les pépinières marchandes, les arbres sont trop près, & leurs racines tellement entrelacées, qu’il est impossible d’en tirer un arbre sans nuire à ses voisins. Le pépiniériste, pour éviter cet inconvénient, tombe dans un autre aussi dangereux. Il cerne la terre à un pied de distance du tronc, & avec le fer tranchant de sa bêche, il mâche & coupe les racines ; peu lui importe qu’elles soient grosses ou petites. Ce n’est pas tout : l’arbre tient par son pivot, il faut expédier le travail, & le pivot est coupé à coups de bêche. Voilà donc un arbre dans le plus mauvais état possible. Le jardinier croit y remédier en raccourcissant ces racines, en les charpentant de nouveau pour les rafraîchir. Et l’on est étonné, après cela, que les arbres reprennent difficilement, qu’ils languissent, qu’ils meurent ! Je suis bien plus étonné qu’il n’en périsse pas un plus grand nombre, & j’admire la force de la nature, qui répare & surmonte la masse de nos sottises.

Lorsque vous ferez enlever un abricotier de la pépinière, laissez