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Quand on est dans l’usage de se servir de la charrue à tourne-oreille, on ne peut se dispenser d’avoir des cultivateurs, parce qu’en retranchant l’oreille à cette sorte de charrue, on a un cultivateur tout formé.

CHAPITRE IV.

Des Charrues sans soc.

Quoique la charrue à coutres sans soc, paroisse, au premier coup d’œil, d’une qualité différente de celle des autres charrues dont il a été parlé, il est cependant vrai que la forme de sa construction doit la faire placer dans la classe des charrues de la seconde espèce : elle n’a point, il est vrai, de soc, mais les coutres dont la flèche est fournie, en tiennent lieu & en font l’office, puisqu’ils ouvrent & fendent la terre ainsi que le fait un soc ; sa flèche est portée sur un avant-train, à une ou deux roues indifféremment, de même que les charrues de la seconde espèce. Sa destination est absolument différente : les charrues ordinaires ne sont employées que pour les principaux labours où il s’agit de renverser la terre sens dessus dessous, pour la disposer à recevoir la semence, ou simplement à des travaux de culture pour faire profiter les plantes des influences de l’air : la charrue sans soc, au contraire, ne pourroit point du tout remplir ces objets, puisqu’elle fend seulement la terre sans la fouiller ni la renverser : elle n’est donc point propre pour ces différentes sortes de cultures ; mais aussi elle a un genre d’utilité qui lui est propre, qui ne peut point du tout convenir aux charrues ordinaires.

Ce genre d’utilité consiste à défricher les terres incultes, à couper les gazons d’une prairie qu’on veut renouveler, parce qu’elle est trop vieille, ou abonde en mousse qui étouffe l’herbe. Dans ces différentes circonstances la charrue ordinaire ne peut point rendre de grands services : qu’on la mette dans une terre remplie de bruyères ; quelque fort & nombreux que soit l’attelage qui la tire, à tout instant elle sera arrêtée par les racines que le soc aura bien de la peine à couper : si l’on force l’attelage à tirer malgré la résistance qu’éprouve le soc, on court risque de le faire casser & de rompre une partie des pièces qui composent l’arrière-train. Dans une prairie, elle sera moins exposée à se briser, parce qu’elle ne rencontrera pas des obstacles aussi considérables que dans une terre en friche ; mais sa marche sera bien plus lente, & le soc soulèvera difficilement les larges gazons ; il ne fera exactement que sillonner, en renversant un gazon sur le côté qui ne sera coupé qu’en longueur & non point en largeur. Si les racines des plantes forment un gazon extrêmement serré, il opposera une résistance assez grande au soc, pour qu’il y ait du danger qu’il casse si l’on force l’attelage à tirer.

La difficulté de défricher avec la charrue ordinaire, quelque forte & bien construite qu’elle soit, a été connue de tout-temps : outre les risques qu’on court de la briser, il est certain qu’elle ne peut point faire ce genre de culture avec avantage, parce que le soc ne peut point fouiller ni renverser une terre en friche, comme il fouille & renverse une terre qui est en bonne culture, & dans