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passé à l’état de graine, afin d’éviter, dans l’année suivante, la germination des mauvaises graines. Ces herbes enfouies en terre y pourrissent, & augmentent le volume de terre végétale, dont les terreins en friche ont le plus grand besoin. Quelques personnes lèvent par couches & par tranches la superficie du terrein, en forment de petits fourneaux ; en un mot écobuent (Voyez ce mot) le sol destiné au semis. Sans désapprouver l’écobuage qui vaut mieux qu’un simple labour, l’expérience prouve qu’une pluie un peu forte délave les sels qui en résultent, & que l’argent dépensé pour cette opération est fort au-dessus du produit réel. Je préfère donc la conservation de la terre végétale. Si on doit semer après l’hiver, il convient, dans les beaux jours d’Octobre, de donner un second labour qui croisera le premier, afin que les pluies, la neige & les gelées aient le temps & la facilité d’ameublir, de pénétrer & de préparer la terre.

Il y a deux époques pour semer, ou aussi-tôt que la châtaigne est tombée de l’arbre, & c’est la meilleure, quoi qu’elle ne soit pas sans inconvénient ; ou de semer dès qu’on ne craint plus les plus fortes gelées.

Je préfère la première époque, puisque c’est celle qui se rapproche le plus de la méthode de la nature, tandis que la seconde doit beaucoup à l’art. Pour semer avant l’hiver, la terre aura été, comme je l’ai déjà dit, labourée au printemps précédent, & on lui donnera deux profonds labours, l’un en Septembre, & le dernier à la fin d’Octobre : enfin on choisira, s’il est possible, le moment où la terre ne sera pas trop humectée, parce que toutes châtaignes qui se trouvent ensevelies sous une motte de terre, & dont tous les points de sa superficie ne sont pas couverts immédiatement par la terre, commencent par moisir, pourrissent ensuite, & sont hors d’état de végéter au renouvellement de la belle saison. Il est donc essentiel d’ameublir la terre le plus qu’il est possible.

Il y a trois manières de semer les châtaignes, ou suivant la direction des sillons, ou à la volée, ou sur les bords de petites fosses. La première a l’avantage de conserver l’alignement, & par conséquent de préparer la distance uniforme qui se trouvera, dans la suite, entre chaque cépée, ce qui facilite les moyens de regarnir les places vides, ou par des provins, ou par de jeunes plants ; mais on doit craindre que si les mulots, les taupes, ou autres animaux très-friands des châtaignes, gagnent un sillon, ils le suivront d’un bout à l’autre, de manière que le sillon restera vide. En semant à la volée, on ne craint pas le même inconvénient.

On n’est pas d’accord sur la distance à garder dans le semis. Quelques auteurs exigent six pieds, d’autres plus, d’autres moins, La méthode de six pieds seroit excellente, si l’on étoit assuré de la réussite de tous les germes. Il vaut cependant mieux semer de trois sillons, un, ce qui forme à peu près trois pieds de distance, & on conservera le même éloignement en tout sens.

Quant au semis à la volée, la distance n’est pas si bien observée, & cette méthode est plus expéditive que la première, puisqu’il faut semer les châtaignes les unes après les autres, & toujours deux à la fois.