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coup de branches chiffonnes. On doit les abattre, elles absorbent une nourriture dont les branches à fruit ont le plus grand besoin. Quant à celles qui surviennent dans l’intérieur de l’arbre, elles tirent moins à conséquence : étouffées par les supérieures, il est rare qu’elles végètent après la seconde année : une sève trop abondante les a fait naître.

La châtaigneraie bien établie exige chaque année au moins un labour croisé, & deux pour le mieux ; le premier en Mars, avant le développement des bourgeons, & le second en Juin. Si, malgré les labours, les mauvaises herbes gagnent en trop grande abondance, il convient de les couper à la faux, & de les amonceler au pied de l’arbre, afin qu’elles y pourrissent. On ne sauroit trop blâmer ceux qui se contentent d’un léger labour seulement autour du tronc : l’expérience journalière démontre qu’un châtaignier planté dans une terre à grain, porte au double & au triple plus de fruits que celui planté dans une terre en friche. Il ne reste donc plus au propriétaire, qu’à calculer si la dépense de culture n’est pas couverte par l’excédent du produit.

Dans ce qui me reste à dire sur la culture du châtaignier, je ne parlerai pas d’après mon expérience, mais d’après l’analogie & la réflexion. Je ne suis plus à même de l’entreprendre ni de l’observer par la nature du sol & du climat que j’habite. Je veux parler de la culture du châtaignier, relativement aux bois de charpente.

Les pins & les sapins isolés, c’est-à-dire, qui ne sont pas réunis en masse, & plantés près à près, poussent beaucoup de branches latérales, & leur tronc s’élève à une hauteur médiocre, tandis que, si ces arbres sont multipliés & serrés les uns près des autres, la tige s’élève perpendiculairement, & à une hauteur prodigieuse. On sait encore que si, dans le milieu d’une forêt de pins ou de sapins, la foudre, par exemple, ou une trombe de vent vient à frapper quelques arbres ou à les déraciner, ce qui forme un vide, alors tous les arbres de la circonférence de cette clarière, poussent des branches latérales, presque jusqu’au niveau de terre, tandis qu’auparavant la tige en étoit dépouillée presque jusqu’au sommet. Ces nouvelles branches détournent la sève & l’empêchent de se porter avec la même force vers le sommet, & la progression de la tige n’est plus aussi rapide que celle des pins voisins, mais plus éloignés de la clarière ; enfin, on peut dire que les tiges extérieures ne croissent plus, & qu’elles se contentent seulement de grossir. Il en est ainsi dans les forêts de chêne venues de brins. La cause de cette ascension des tiges est, 1o. la proximité des pieds ; 2o. l’espèce de voûte que les branches supérieures forment par leur rapprochement les unes avec les autres, de manière que pour jouir mutuellement du bénéfice de l’air & du soleil, la tige est forcée de s’alonger ; 3o. parce que les branches inférieures étouffées par les supérieures, puisqu’elles les dérobent au contact immédiat de l’air & du soleil, doivent nécessairement périr ; mais la masse de sève qui étoit destinée à leur entretien, ne pouvant plus leur être utile, est obligée de suivre le torrent d’attraction, & par