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des cendres de bois neuf, c’est-à-dire, qui n’ait point été flotté, ou tel qu’il sort de la forêt ; on en emplira un cuvier aux trois quarts, on y versera une suffisante quantité d’eau : celle de la lessive destinée pour le grain doit être de deux pintes, mesure de Paris, ou quatre livres d’eau pour une livre de cendre : cette proportion donnera une lessive assez forte : lorsqu’elle sera coulée, on la fera chauffer, & on y fera infuser ou dissoudre assez de chaux-vive, pour qu’elle prenne un blanc de lait.

Cent livres de cendres & deux cents pintes d’eau donneront cent-vingt pintes de lessive, auxquelles on ajoutera quinze livres de chaux : cette quantité de lessive ainsi préparée, suffit pour soixante boisseaux de froment, mesure de Paris. (Voyez le mot Boisseau) Cette quantité de lessive revient au plus à 40 sols ; ce qui fait huit deniers pour chaque boisseau.

On attendra, pour faire usage de cette lessive chauffée, que sa chaleur soit diminuée au point qu’on puisse y tenir la main ; alors on versera le froment déjà lavé dans une corbeille d’un tissu peu serré, & qui ait deux anses relevées, & on la plongera à plusieurs reprises dans cette lessive blanche : on y remuera le grain avec la main, ou avec une palette de bois, pour qu’il soit également mouillé ; on soulèvera la corbeille pour la laisser égoutter sur le cuvier, puis on égouttera ce grain sur des charriers ou sur des tables, pour le faire sécher promptement ; on remplira la corbeille de nouveaux grains, & on la trempera, comme ci-dessus, dans le cuvier, dont on aura remué le fond avec un bâton, jusqu’à ce qu’on ait fait passer les soixante boisseaux.

Cette méthode a été admise dans toutes nos provinces, par les cultivateurs intelligens. Comment l’exemple, toujours persuasif lorsqu’il s’agit d’intérêt, ne l’a-t-il pas encore fait adopter universellement. Le paysan est naturellement paresseux, il est toujours arriéré dans son travail ; la saison presse, & il se contente de penser que peut-être sa récolte ne sera pas charbonnée si l’année est bonne. Le germe porte en lui celui de la corruption, & quand le paysan auroit à son commandement la pluie & la chaleur, la récolte n’en seroit pas moins viciée.

On croit que le chaulage a été fait avec exactitude ; c’est pourquoi on est très-étonné, au moment de la récolte, de voir encore quelques épis charbonnés, & dès-lors on conclut que le chaulage est une opération inutile. Est-ce la faute de l’opération ou de l’opérateur ? C’est toujours la faute de ce dernier. Si tous les grains ont été exactement lavés à grande eau, & bien chaulés, il est démontré qu’il n’existera plus de carie ; mais voici d’où provient le mal. On apporte le blé dans des sacs ou dans des corbeilles, &c., la poudre noire s’attache à l’un & à l’autre : on vide le grain, & la poussière reste colée contre leurs parois. Le grain, après avoir séché au soleil, est remis dans ces mêmes sacs & corbeilles ; il se charge de nouveau de la poussière cariée. La prudence exige donc que les sacs & les corbeilles qui ont servi à cette opération, soient lavés à grande eau courante, & passés à la même lessive que le grain. Les sacs doivent être