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retournés & lavés, soit en dedans, soit en dehors ; en un mot, le plus petit manque de précaution tire à conséquence.

Je ne conseille point de faire le chaulage à l’époque des semailles, on est souvent dans le cas d’avoir un temps couvert, peu de chaleur, peut-être de la pluie, &c. Dans ces circonstances, le grain chaulé a beaucoup de peine à se dessécher, à perdre cette eau surabondante communiquée, soit par les lavages réitérés, soit par le séjour dans l’eau de chaux. Si le grain reste ainsi humecté, il est dans le cas de germer, & ce germe d’être brisé dans le transport du grain, ou lorsqu’on le sème. S’il reste trop long-temps amoncelé, il s’échauffe, la fermentation s’y établit, & le grain se corrompt. Il vaut donc bien mieux choisir quelques beaux jours dans le mois de septembre, ou au plus tard au commencement d’octobre. Le soleil a de la force, & on est assuré que le grain sera parfaitement desséché avant de le fermer dans le grenier. Ce lieu doit être très-sec, exposé à un libre courant d’air, parce que le grain, une fois lessivé, est plus susceptible d’attirer l’humidité de l’atmosphère, que celui qui ne l’a pas été ; on fera aussi très-bien de le remuer à la pelle de temps à autre, & on aura soin surtout de ne pas mettre le grain dans un endroit où il y aura eu auparavant du blé carié, quoiqu’il ait été balayé.


Section II.

Des Substances sèches, ou des Liqueurs nommées prolifiques.


Ce fut au commencement de ce siècle que l’idée des liqueurs prolifiques prit naissance ; & on doit la première, si je ne me trompe, à l’abbé Le Lorain, plus connu sous le nom de l’abbé de Vallemont dans son ouvrage intitulé : Curiosités de la Nature, &c. Cette liqueur devoit avoir la propriété de développer les germes & de leur faire produire d’abondantes récoltes. Cette idée singulière fit alors une si grande sensation, qu’on ne parloit plus que de la liqueur prolifique ; plusieurs auteurs en ont imaginé d’autres, & toutes appréciées selon leur véritable valeur, elles sont aujourd’hui oubliées. Le célèbre M. Duhamel a eu raison de remarquer que l’on goûte volontiers le merveilleux, quand il annonce des choses fort utiles. En effet, quoi de plus utile que d’obtenir d’abondantes récoltes, sans fumer les terres, & en ne leur donnant que de très-légers labours ! On peut dire avec la Fontaine :

La montagne en travail enfante une souris.

La combinaison de toutes les liqueurs prolifiques si vantées dans le temps, se réduisent, à peu de chose près, aux préparations suivantes. Une des plus vantées, c’est celle de M. de la Jutais, & il la nommoit la vraie pierre philosophale. Il faisoit fondre du nitre dans un vase de fer ; lorsqu’il étoit assez chaud pour brûler les substances qu’on y mettoit, il projettoit dans ce vase une petite quantité de la semence qu’il devoit semer ; elle se réduisoit en charbon, fusoit avec le nitre, & la liqueur étoit faite lorsqu’on dissolvoit ce nitre dans l’eau.

Chaque auteur a voulu renchérir sur cette composition : l’un a proposé le jus de fumier de cheval ;