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& fort applaudi au second, parce que l’expérience a démontré que la chaux répandue sur les terres froides de ces pays montagneux, y fait des merveilles. On ne doit donc pas conclure d’un pays par un autre, à moins que le grain de terre & toutes les circonstances ne soient égales. C’est au propriétaire intelligent, à bien examiner, bien réfléchir avant d’opérer ; ensuite à faire des essais en petit : si le succès les couronne, de réfléchir encore, parce que la belle végétation de cette année d’épreuve, aura peut-être été plutôt due à la saison, qu’à l’effet de la chaux : enfin, après plusieurs expériences successives & soutenues, il se déterminera à travailler en grand. Il n’y a pas de milieu, le chaudage est très-avantageux ou très-nuisible ; très-avantageux, si les substances graisseuses sont abondantes dans la terre ; très-nuisible, si le terrein sablonneux n’est pas souvent humecté. Ce que je dis de la chaux, s’applique également aux cendres de tourbes pyriteuses qui s’enflamment à l’air : telles sont celles de Picardie. (Voyez le mot Tourbe)

L’expérience a prouvé que la chaux produisoit le plus grand effet sur les prairies aquatiques, marécageuses, chargées de mousse, de joncs, &c. ; qu’elle les faisoit périr, & qu’une bonne herbe les remplaçoit. Il vaut donc bien mieux employer la chaux que les cendres, (voyez ce mot ) elle est moins chère, & son action est plus forte ; mais si la chaux agit si vivement sur les plantes d’un sol naturellement trop humide, que ne doit-on pas craindre si on l’emploie sur un terrein sec, sablonneux, & qui ne sauroit retenir l’eau ? On va voir quelles sont les précautions à prendre, même pour les terres fortes.


Section III.

En quel temps faut-il chauder & comment faut-il chauder ?


1o. Du temps de chauder. Ce qui vient d’être dit l’indique naturellement, puisque si on emploie la chaux après la saison des pluies, on court les plus grands risques de voir la récolte perdue : la fin de l’automne pour les pays pluvieux, la fin du mois de novembre pour les pays secs, sont les époques les plus sûres.

2o. Comment faut-il chauder ? Les méthodes varient suivant les pays, ou plutôt la nature du climat les y a déterminées : voici celle rapportée par M. Mill, célèbre agriculteur anglois, d’après les instructions remises à la société d’Édimbourg, par M. Lummis.

Au mois d’octobre, on met sur la surface du terrein trois ou quatre grosses pierres de chaux, si la terre est une argile forte, ou bien autant de petites qu’il en faut pour équivaloir à ces trois ou quatre ; de sorte que soixante-dix ou quatre-vingts tas, qui font deux cents quatre-vingts ou trois cents boisseaux, peuvent suffire pour une acre. (Voyez ce mot) S’il tombe de la pluie, la chaux fond aussitôt, sinon elle se fondra ou s’éteindra en deux jours ou moins, suivant l’humidité de l’air. On l’étend ensuite directement, sans en laisser aucune portion à l’endroit même où les pierres ont été placées. Cela fait, on laisse reposer le tout un an entier, ou depuis le mois d’octobre, jusqu’en,