Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/217

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& précieuse ; il les abat & ne les replante pas. C’est ainsi que peu à peu elles ont été détruites. Des provinces entières touchent presqu’au moment de ne plus avoir de bois pour les usages journaliers. Depuis dix ans la consommation du bois a sextuplé dans la capitale, & les ressources, loin de se multiplier, diminuent. La fureur des défrichemens a duré environ vingt-cinq ans, les croupes & les sommets des montagnes ont été convertis en guérèts ; & la terre végétale, qui s’y étoit accumulée avec peine pendant l’espace d’un siècle, après avoir produit une ou deux récoltes, a été entraînée par les pluies ; enfin, le tuf est resté à nud. Il étoit dans l’ordre de s’opposer à de pareils défrichemens. Quoique tout propriétaire soit le maître de disposer de son terrein ainsi qu’il lui plaît, s’il est imbécile ou fou, il a besoin d’un curateur. Il auroit peut-être été de la sagesse du gouvernement de défendre le défrichement des pentes des montagnes, à moins que les cultivateurs n’eussent été obligés de planter en bois les sommets jusqu’à une certaine distance. Si on avoit pris de semblables précautions, on ne verroit pas des chaînes entières sèches, arides, décharnées jusqu’au vif : ces bois, il est vrai, n’auroient pas été d’une élévation semblable à celle des forêts de Bourgogne, de Franche-Comté, de Champagne &c., mais au moins ils auroient revêtu le terrein ; ils en auroient fourni aux parties inférieures de la montagne ; leurs feuilles auroient procuré une nourriture d’hiver abondante pour les troupeaux, & une abondance pour le bois de chauffage ; au lieu que le mouton rencontre à peine aujourd’hui une herbe coriace où ceux des deux derniers siècles trouvoient une nourriture abondante. Pères de familles, qui aimez vos enfans, semez en bois quelconques tous vos terreins incultes ; plantez la plus grande quantité d’arbres que vous pourrez, soit fruitiers, soit forestiers, & vous doublerez peu à peu la valeur de vos domaines. Que l’exemple des seigneurs de la capitale n’influe pas sur vous. Plus ils abattront de forêts, plus les vôtres deviendront précieuses. Le seul moyen capable de prévenir la disette extrême, qui commence à se faire sentir dans ce royaume, consiste dans les semis.

Le chêne se multiplie par semences & par la transplantation. Avant de ramasser les glands, laissez tomber les premiers, faites-les enlever & mettre à part. Il en est des glands comme de tous les fruits ; ceux qui mûrissent avant les autres & devancent le temps ordinaire de la maturité, sont à coup sûr piqués des vers. Si on les sème, leur production sera défectueuse. Il faut donc attendre le moment de la pleine maturité, & par conséquent, de la chute la plus forte. Il en est des derniers glands comme des premiers, ils ne sont pas piqués des vers, il est vrai, mais ils sont chétifs & retraits. Sur la masse des glands tombés suivant la loi de la nature, il est important de choisir les plus gros & les mieux nourris, & de rejeter tous des autres : la prudence exige encore de choisir les glands des arbres les plus forts, les mieux venans, & surtout ceux dont la feuille large, épaisse & luisante, annonce un état de vigueur.

I. Il y a deux sortes de semis, ou