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à demeure ou en pépinière. Le semis à demeure est préférable à tout autre opération, sur-tout si on veut se procurer de grandes forêts, autrement la dépense seroit excessive.

Il y a deux manières de préparer le terrein destiné au semis ; ou avec la charrue, ou à force de bras en se servant ou de la bêche ou de la pioche. Cette dernière méthode est beaucoup plus dispendieuse, mais plus profitable.

La nature a imposé la loi au chêne de pivoter profondément ; l’intérêt de l’homme exige donc de ne pas la contrarier. Le travail fait à la pioche, facilite plus l’alongement de ce pivot précieux, que la charrue. Celle-ci divise seulement la superficie du terrein ; & par son poids & par la résistance qu’elle éprouve sur les côtés, elle resserre de plus en plus la terre sur laquelle elle passe.

On sème le gland, ou à la volée comme le blé, ou en suivant la direction des sillons. On doit semer fort épais ; plusieurs glands seront détruits par les mulots, & plusieurs autres ne seront pas assez enterrés ; la grande quantité de semence à répandre ne doit point étonner. Plus il germera de glands, & moins les mauvaises herbes auront de quoi végéter. D’ailleurs, les plus vigoureux détruiront par la suite leurs voisins les plus foibles.

Le temps de semer est marqué par la nature ; c’est celui de la chute du fruit ou peu de jours après, si la saison le permet, c’est-à-dire, si la terre est en état de recevoir la herse, & de n’être pas pétrie par les pieds des animaux employés au labourage. Pour ne pas perdre entièrement les avances occasionnées par le défrichement ou par le labourage, on peut semer du grain relatif à la qualité du sol, sur le semis du gland. La récolte qu’on en retirera ne nuira pas au semis.

Si des circonstances quelconques s’opposent au semis d’automne, on peut attendre la fin de l’hiver, & semer le gland dans la terre bien préparée, & par-dessus de l’avoine. Il y a des précautions à prendre afin de conserver le gland jusqu’à cette époque. Aussitôt qu’il est recueilli, on le dépose dans un lieu sec & frais, mêlé lit par lit avec de la terre sèche ou du sable. Lorsque le moment de le confier à la terre est venu, on enlève légèrement le lit de sable, ensuite celui de glands que l’on pose doucement dans des corbeilles, afin de ne point rompre la radicule de ceux qui l’ont poussée. On transporte ainsi les glands sur le champ, & enfin on les place l’un après l’autre, ou dans les raies tracées par la charrue, ou dans les fosses ouvertes avec la pioche. À mesure que l’opération s’exécute, la herse recouvre le semis. Si le sol a de la profondeur, il est très-essentiel de ménager avec le plus grand soin cette radicule, qui, dans la suite formera le pivot, parce qu’il s’y enfoncera aussi profondément qu’il trouvera de la terre. Si, au contraire, la base du sol est, à deux ou trois pieds de profondeur, un rocher formé par couches, la précaution est moins nécessaire ou presque inutile, puisque le pivot, ne pouvant pénétrer cette masse solide, est obligé de pousser des racines latérales, & le pivot lui-même, de suivre le banc de pierre ; mais dans ce cas le