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sieurs années, & je doute qu’ils fassent jamais de beaux arbres. Afin d’éviter cet inconvénient, la terre de pépinière doit être de qualité passable, c’est-à-dire, qu’elle tienne le milieu entre la bonne & la terre médiocre.

Si vous avez à peupler un sol qui ait peu de fond, placez votre pépinière sur une couche dure de cailloux ou de rocher, pourvu que la terre ait deux pieds de profondeur : alors le pivot, ne pouvant s’enfoncer, poussera des chevelus en grand nombre, & c’est ce qu’il faut pour replanter avec succès. D’ailleurs, cette précaution vous évitera la peine de faire de profondes fouilles, afin de déraciner le pivot de l’arbre ; & le creux destiné à le recevoir, n’exigera pas tant de profondeur que si l’arbre étoit garni de son pivot.


CHAPITRE IV.

De la Transplantation.


On voit rarement réussir cette opération : est-ce la faute de l’arbre, des saisons, ou de la manière de transplanter ? Tous trois y concourent du plus au moins ; mais le planteur est souvent le plus coupable. La nature a donné aux arbres des racines, non-seulement pour leur procurer une partie de leur nourriture, mais encore pour les défendre contre les attaques impétueuses, & les secousses violentes que les vents leur font éprouver : elles sont autant de liens qui les tiennent assujettis à la terre, & le tronc cassera plutôt, que de voir l’arbre déraciné, s’il est garni de son pivot. Le nombre de ses racines est proportionné à celui des branches, & y correspond par la grosseur ; de sorte qu’on peut dire que, dans l’arbre parfait de la nature, & qui ne doit point son éducation à la main de l’homme, il y a une correspondance, une harmonie exacte entre les racines & le sommet de l’arbre. Que de conséquences à tirer de ce principe !

Si vous tirez vos arbres de la pépinière, ouvrez un profond fossé à l’une de ses extrémités, jusqu’à ce que vous parveniez au-dessous des racines : alors détachez le tronc de la terre, sans en casser ni mutiler aucune, & sur-tout ménagez le pivot avec le plus grand soin. Les trous destinés à recevoir les arbres, ne doivent donc pas être faits tous du même diamètre, de la même profondeur ; la grosseur, la grandeur & l’extension des racines doivent en décider.

On me dira que ces soins sont minutieux, dispendieux, &c. ; que la reprise de l’arbre s’exécute sans eux ; enfin, qu’une expérience de trente & de quarante années a prouvé le contraire. Si la durée d’un chêne étoit proportionnée à celle d’un pêcher, par exemple, qui, dans certaines provinces, ne subsiste que huit à dix ans, je passerois peut-être condamnation ; mais qu’on se rappelle qu’il faut un siècle pour former un chêne, & qu’un chêne mal venant ne produit presque aucun profit. Il vaut donc mieux dépenser un peu plus en le plantant, & avoir un bel arbre, que de dépenser moins, & avoir un arbre de médiocre qualité : on fait tout à la hâte, on va à l’économie, dès-lors mauvais travail.

Veut-on une preuve, sans replique, de la nécessité de ménager les racines & le pivot quand on le peut ;