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plantes qui nous intéressent, que notre haine pour elles s’étend à tout ce qui porte le nom de chenilles. Les dégâts dont nous avons à nous plaindre, excitent tellement notre vengeance envers ces insectes destructeurs, que nous ne désirons les connoître, qu’afin de les détruire, pour nous venger de tout le mal qu’ils nous ont fait.

Les ravages que font les chenilles, n’ont pas été le seul motif qui nous ait prévenu contr’elles : pendant longtemps, on a cru que cet insecte étoit venimeux. C’est une erreur qui n’a d’autre fondement que le préjugé & l’horreur qu’excitent ces insectes à quantité de personnes qui les craignent. Les volatiles dévorent les chenilles ; ils en font de très-bons repas : on a vu des enfans manger des vers à soie, sans en être incommodés ; ceux même qu’on donne à la volaille, parce qu’ils sont malades, ne lui causent aucun mal. Quoiqu’il y ait de grosses chenilles, dont l’attouchement fait naître des boutons sur la peau, qui excitent des démangeaisons, il n’y a cependant jamais d’effets dangereux à craindre. Ces boutons sont dûs à leurs poils, qui s’implantent dans les pores de notre peau, & y produisent la même sensation, les mêmes élévations que celles occasionnées par l’attouchement de l’ortie. Jamais chenille rase n’a produit de semblables effets.


Article II.

Des Ennemis des Chenilles.


Quoique les chenilles aient beaucoup d’ennemis qui leur déclarent la guerre, on a du regret que le nombre n’en soit pas plus grand, lorsqu’on considère tout le mal qu’elles peuvent faire. Leurs dégâts seroient bien plus considérables, si les fortes gelées d’hiver, & surtout les pluies froides du printemps, n’en faisoient pas mourir une partie. Celles qui sont logées dans des nids où elles peuvent braver la rigueur de la saison, n’échappent, souvent à ces deux fléaux, que pour devenir la proie de leurs ennemis, qui comptent sur elles pour vivre & nourrir leur famille pendant la belle saison. Les chenilles, au contraire, dont la chrysalide est isolée, (par exemple celles du chou) servent d’aliment aux oiseaux à bec pointu, qui passent leur hiver dans nos climats. Dans les espèces de son genre, la chenille a des ennemis acharnés à la détruire. On ne croiroit pas qu’un insecte, qui ne semble destiné qu’à ronger les feuilles, soit un animal carnassier, qui dévore les individus de son espèce. M. de Réaumur, qui a fait cette découverte, n’a pu observer que cette espèce de chenilles qui vivent sur le chêne. Il avoit mis une vingtaine de ces chenilles sous un poudrier, avec des feuilles de chêne, qu’on renouvelloit dès qu’elles étoient fanées ou rongées en partie. Tous les jours il remarquoit que le nombre de ces chenilles diminuoit ; cependant il leur étoit impossible de sortir de dessous le poudrier ; d’un autre côté, on ne voyoit point le cadavre de celles qui manquoient. Cette première observation le rendit plus attentif à examiner ce qui se passoit parmi ces insectes renfermés : il s’apperçut que lorsque quelques-unes d’entr’elles se rencontroient, la plus forte tâchoit de saisir la plus foible avec les dents,