Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/241

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pour lui faire quelque blessure vers les premiers anneaux. Affoiblie par cette blessure, elle devenoit la proie de sa meurtrière, qui la suçoit & la mangeoit tranquillement. De ces vingt chenilles, il n’en resta qu’une seule, que M. de Réaumur fît dessiner, pendant qu’elle mangeoit la dernière de ses camarades.

Il faut observer que la chenille de cette espèce, quoi qu’elle vive sur le chêne, n’est pas de celles qu’on nomme processionnaires ou évolutionnaires, qui vivent en société. Des goûts & des inclinations aussi barbares ne peuvent point régner dans une famille qui ne se sépare jamais. Cette chenille carnassière, dont nous parlons, est de la classe de celles qui ont seize jambes : elle n’est point velue comme la processionnaire ; son corps est entièrement ras. Le fond de sa couleur est un brun noir ; elle a une raie d’un très-beau jaune tout le long de son dos ; une pareille de chaque côté, au-dessus des stigmates. Si toutes les chenilles avoient ces inclinations carnassières, on pourrait se reposer sur elles du soin de leur destruction, qui diminueroit considérablement leur nombre. Malheureusement il n’en est pas ainsi ; presque toutes les chenilles vivent entr’elles d’un bon accord, quoiqu’elles ne soient pas de la même famille, ni de la même espèce.

Les chenilles ont des ennemis qu’il ne nous est guère possible de connoître sans un cours d’observations très-exactes. Telle chenille qui nous paroît en bon état, est souvent rongée toute vive par des vers qui se nourrissent, & croissent aux dépens de sa propre substance. Il y a de ces vers qui se tiennent sur le corps de la chenille, qu’ils percent pour le sucer ; d’autres sont si bien cachés dans son intérieur, qu’on ne se douteroit pas qu’elle en ait un, quoique son corps en soit tout farci. C’est un fait dont il est facile de se convaincre : on n’a qu’à prendre des chenilles de chou, & les enfermer sous un poudrier ; on ne tarde pas à voir s’élever sur leur peau de petits tubercules blancs, qui sont les vers qui sortent de l’intérieur de la chenille. Les œufs qui contiennent les germes de ces petits vers, sont pondus par une petite mouche d’un beau verd doré, qui se promène sur la chenille du chou, pour enfoncer dans sa peau un aiguillon dont la partie postérieure de son corps est pourvue. Cet aiguillon, presque aussi long qu’elle, fait une ouverture assez profonde dans le corps de la chenille, où elle dépose un œuf qui glisse par le canal de l’aiguillon même. Ces œufs sont placés à une telle profondeur, qu’ils sont toujours à l’abri, quoique la chenille vienne à changer de peau. On comprend que les vers qui naissent de ces œufs, ne peuvent ni vivre, ni arriver au terme de leur accroissement, qu’aux dépens de la chenille qui meurt en les nourrissant. Quand ces vers ont pris tout leur accroissement, ils sortent du corps de la chenille, par des trous qu’ils font à sa peau, de côté & d’autre ; ils subissent ensuite une métamorphose en nymphes, d’où sortent de petites mouches d’un beau verd doré, qui vont ensuite se promener sur les chenilles pour y déposer les œufs de la génération qui doit leur succéder. Ces vers n’ont pas toujours le temps de prendre leur accroissement : s’ils sont déposés