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émétique. Si les signes de l’inflammation se sont déjà manifestés, la saignée est nécessaire, & on aura recours aux délayans, aux rafraîchissans & aux adoucissans. (Voyez ces mots.)

Voici quelques caractères essentiels, & faciles à saisir, même par les personnes les plus ignorantes, & qui les mettront dans le cas de distinguer le persil avec la ciguë. La couleur de la feuille du persil est d’un vert plus gai que celui de la ciguë, qui est brun. Le persil, froissé & écrasé dans les doigts, les imprègne d’une odeur aromatique, & la ciguë, d’une odeur désagréable & nauséeuse. La longue queue qui supporte les feuilles du persil, est pleine, & celle des feuilles de ciguë est cylindrique, c’est-à-dire, creuse.

M. Stork, célèbre médecin de Vienne en Autriche, a publié un recueil d’observations sur les effets de la ciguë, sur ses pilules : les essais souvent répétés en France, n’ont pas eu le même succès en Allemagne. L’usage intérieur de cette plante demande à être dirigé par une main prudente ; &, pour ne rien hasarder sur l’emploi d’une plante aussi dangereuse, je vais rapporter ce qu’en dit M. Vitet, dans son excellente Pharmacopée de Lyon.

L’extrait de ciguë, à haute dose, cause une espèce d’anxiété & de douleur sourde dans la région épigastrique ; il étourdit, cause des renvois, tient le ventre libre, sans augmenter sensiblement la sueur & cours des urines. À dose modérée, il ne produit sensiblement aucun accident fâcheux ; il retarde les progrès du cancer occulte & du cancer ulcéré ; quelquefois il guérit le cancer formé depuis peu de temps, & est capable de supporter l’application des feuilles récentes. Il est indiqué dans les écrouelles, dans les tumeurs dures & rebelles à l’action des autres remèdes. Dans les ulcères invétérés & de mauvais caractère, l’usage de la racine a été quelquefois accompagné d’un succès heureux dans les espèces de maladies décrites ci-dessus, où l’extrait des feuilles n’avoit pas réussi ; comme dans les tumeurs squirreuses du sein, des aines & des aisselles ; dans les obstructions du foie & de la rate.

Pour préparer l’extrait, prenez du suc exprimé des feuilles, faites-le évaporer au bain-marie, jusqu’à consistance d’extrait, molle & épaisse. Cet extrait est d’un brun noirâtre, d’une odeur médiocrement virulente, d’une saveur nauséabonde, légèrement âcre. On le donne depuis trois grains jusqu’à une drachme par jour, incorporé avec suffisante quantité de racine de réglisse, (voyez ce mot) pulvérisée ; ou, suivant l’indication, des feuilles de ciguë pulvérisées, pour former des pilules de trois grains chacune. Si vous voulez obtenir de bons effets de cet extrait, persistez pendant plusieurs mois à son usage interne, augmentez-en la dose par degrés insensibles, donnez le petit lait pour boisson, faites entrer dans la nourriture beaucoup de plantes urinaires, purgez par intervalle avec les sels neutres, en solution dans du petit lait ; appliquez des feuilles récentes sur la tumeur, tant qu’elles ne l’enflamment pas ; faites recevoir à la partie affectée la vapeur d’une forte décoction de feuilles ; tenez le ventre libre par des lavemens, maintenez la tumeur à un degré de chaleur modérée, soutenez les