Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

une forme différente, ainsi que nous en avons été convaincus par l’expérience. Il importe, au surplus, de bien panser & de bien étriller les animaux, tant sains que malades, d’en visiter plusieurs fois le jour la bouche, pour juger de son état ; car cette espèce de charbon, nous le répétons, ne s’annonce par d’autres signes extérieurs, que par la seule inspection de la langue. M. T.

Charbon Musaraigne, Médecine vétérinaire. Cette espèce de charbon est particulière au cheval & au mulet. Il commence par une petite tumeur non circonscrite, qui a son siége à la place du bubon, c’est-à-dire, aux glandes inguinales, à la partie supérieure & interne de la cuisse, lequel dégénère en gangrène si l’on n’y remédie promptement. Il diffère du vrai bubon & des autres abcès, en ce qu’il ne suppure point. Les vaisseaux lymphatiques de la partie sont très-gonflés, & le tissu cellulaire est plein d’une humeur lymphatique épaisse, grumeleuse & noirâtre ; la jambe & la cuisse sont souvent enflées : cet état est accompagné de dégoût, de tristesse, d’abattement & de frissons.

Le plus sûr moyen de remédier à ce mal est de scarifier promptement & profondément, de répandre d’abord dans les scarifications, de l’essence de térébenthine, & de panser ensuite la plaie avec le digestif animé. Si, en scarifiant, il arrive que l’on coupe une artère ou une veine considérable, il faut appliquer sur l’ouverture du vaisseau, de l’amadou, ou bien une pointe de feu, pour se rendre maître du sang ; fomenter la jambe, si elle est enflée, avec une décoction de feuilles de sauge & de sureau ; donner pour toute nourriture & pour boisson de l’eau blanche nitreuse ; ensuite administrer par degrés insensibles, du son, de la paille & du foin ; faire prendre, les quatre premiers jours de la maladie, deux breuvages, l’un le matin, l’autre le soir, composé de deux onces de nitre, demi-once de camphre, de deux onces de miel, dans environ une livre de décoction d’oseille, & tenir le malade dans une écurie sèche, ni trop chaude, ni trop fraîche.

Les accidens du charbon musaraigne sont si rapides, que les maréchaux l’attribuent à la morsure d’une bête venimeuse, qu’ils soupçonnent être la musaraigne. Cet animal ressemble plus à la taupe qu’à la souris ; son nez est plus alongé que ses mâchoires ; ses yeux sont cachés & plus petits que ceux de la souris ; ses pieds sont munis de cinq doigts ; sa queue, ses jambes & sur-tout les jambes de derrière, sont plus courtes que celles de la souris : d’ailleurs il a les oreilles & les dents de la taupe ; la grandeur de sa bouche, la situation, la figure de ses dents, le mettent dans l’impossibilité de mordre le cheval & le mulet ; il est donc faux que la musaraigne soit dangereuse. M. la Fosse en a eu la preuve contraire dans la dernière guerre de Westphalie : la quantité de ces animaux étoit si prodigieuse, que le soldat sous la tente ne pouvoit dormir : on les voyoit passer & repasser à tout moment sous les chevaux, sans qu’il en arrivât le moindre mal, & sans même que l’on fît attention à ce prétendu danger. Les principes les plus communs de cette maladie doivent, au