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dont les racines ne soient ni écourtées, ni mutilées.

Le coignassier est susceptible de recevoir la greffe de toutes les espèces de poiriers : il ne convient cependant bien qu’aux poires fondantes ; les autres espèces y réussissent mal. M. le Baron de Tschoudi, que j’ai déjà souvent cité, & que je cite toujours avec plaisir, à cause de sa manière de voir & d’observer, s’explique ainsi : « C’est dommage que tous les poiriers ne s’accommodent pas également de ce sujet, qui ne convient guère qu’aux poires fondantes, & ne réussit parfaitement que dans les terres fraîches. Plusieurs poires d’hiver, celles qui ont des dispositions à se crevasser, n’y font que peu de progrès. Il est des espèces qui ne peuvent subsister de sa sève : de ce nombre sont, entr’autres, quelques-unes connues sous le nom de bergamotte. Leur forme arrondie donne lieu de penser qu’elles tiennent de très-près aux poiriers sauvages & aux néfliers, & qu’elles n’ont que très-peu d’analogie avec le coignassier. Il est cependant un moyen de tromper leur aversion pour cet arbre : il faut d’abord modifier sa sève, en y greffant du beurré ou de la virgouleuse, qui y reprennent très-aisément. C’est sur le bois provenu de ces greffes, qu’on placera les écussons de ces poiriers insociables. Par cette indication, on les réconciliera avec le coignassier.

» Mais il est d’autres espèces dont la sève impétueuse ne peut sympatiser avec la lenteur de la plupart des coignassiers. D’après cette observation, je ne doute nullement que ceux-là ne puissent réussir sur celui de Portugal. »

La multitude des rejetons fournis par les souches de coignassier, est sans doute la cause déterminante du choix que les pépiniéristes ont fait de cet arbre, pour greffer des poiriers ; mais, d’après les principes d’une bonne culture, je pense qu’il faudroit se contenter de cultiver le coignassier seulement pour son fruit, & non pour greffer des poiriers. On vient de voir que plusieurs espèces de poires ne réussissent pas, ou réussissent mal sur cet arbre : voyons actuellement s’il est avantageux d’y greffer des poires fondantes.

Plantez dans un terrein égal en tous points, & à côté l’un de l’autre, deux poiriers ; l’un greffé sur coignassier, & l’autre sur franc ; le premier n’égalera jamais en grandeur le second ; la couleur des feuilles de celui-là sera presque toujours plus pâle, moins foncée que la couleur de celui-ci. Le premier reçoit une sève lente & chétive, & le second une sève plus abondante. De là vient la disproportion pour la hauteur & la longueur des branches. Cependant ce qui flatte le plus le coup d’œil dans un jardin, est de voir des arbres égaux en grandeur, & qui végètent avec une égale force. Enfin, si un espalier fixe nos regards, il est désagréable de voir des places couvertes de verdure, & le triste mur dans d’autres. Cette défectuosité existera toujours, tant que les arbres ne seront pas greffés sur franc.

Le second défaut des arbres greffés sur coignassier, est de ne pas subsister aussi long-temps que ceux sur franc ; de manière qu’après un certain nombre d’années, il faut