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Usage. On tire de toute la plante une eau distillée qu’on dit ophtalmique & qui est assez inutile. La racine sèche se donne depuis demi-once jusqu’à une once, dans une décoction de six onces d’eau.

Culture & usages économiques. Aucune substance n’a pu, jusqu’à ce jour, suppléer à cette espèce de chardon, soit pour le service des bonnetiers, des drapiers, &c. Le chardon qui vient naturellement, ne forme pas des pignes ou des pommes, ou des bosses assez fortes. Par ces mots, on désigne, dans différentes provinces, l’amas des calices E, en forme de tête, après que la fleur en est tombée. La France ne consomme pas tout le chardon qu’elle récolte ; elle en exporte beaucoup en Hollande & dans les pays des manufactures de draps. Le chardon se vend à une mesure qu’on nomme balle. Elle est composée de 200 poignées, & chaque poignée de 50 têtes ou pommes, ou bosses, ou pignes, ce qui fait 10 000 têtes. Les grosses têtes sont appelées mâles, & sont communément réservées pour les bonnetiers ; les moyennes & les petites sont pour la draperie. Les pointes ou clochets du chardon sauvage, ne sont pas en général assez fortes ni assez dures ; il faut donc, de toute nécessité, recourir à celles du chardon cultivé.

La meilleure terre pour la culture du chardon est, sans contredit, celle qui convient au chanvre. Si on ne veut pas faire ce sacrifice, on pourra se contenter d’une terre inférieure en qualité ; & il est même prouvé que les sols argileux & crayeux donnent des récoltes passables. Ces généralités sur la nature du sol doivent nécessairement être subordonnées à la manière d’être du climat dans lequel on travaille. Par exemple, dans la Flandre, dans la Normandie, dans l’Artois, &c. où cette culture est en recommandation, le chardon réussit dans les terreins argileux, parce que les pluies y sont fréquentes ; mais si on le cultivoit ainsi dans les provinces où l’eau est rare, les sécheresses longues, & la chaleur vive & soutenue, il est constant que la production seroit maigre & chétive, parce que les racines ne sauroient pivoter dans un pareil sol, & la terre durcie particulièrement à la surface, étrangleroit le collet de la plante. C’est donc à chaque particulier à étudier la terre qui lui convient, & à ne jamais perdre de vue la loi de la nature, qui indique que toute plante dont la racine est destinée à pivoter, doit avoir un sol où elle puisse pivoter à son aise. Or, comme la racine du chardon est en même temps pivotante & fibreuse elle exige donc un sol bien meuble & profondément défoncé. Je conviens que ce que je viens de dire ne s’accorde pas exactement avec le sentiment de quelques auteurs, qui disent qu’un ou deux labours suffisent à cette plante. Si on met les deux cultures en comparaison, on en verra la différence. Étudiez la manière d’être de la racine d’une plante, & elle vous indiquera l’espèce de culture & les terreins qui lui conviennent.

Quand faut-il semer ? Les auteurs ne sont point encore d’accord sur ce point, parce que chacun a écrit pour son canton, se persuadant que le reste du royaume devoit suivre la même loi. La nature indique elle-même le moment de semer. La