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ou leur absence une nouvelle clarification botanique, que nous développerons au mot Systême. M. M.


COUCHE. C’est un amas de substances susceptibles d’acquérir & de conserver, pendant un certain temps, une chaleur capable d’opérer l’accroissement des plantes, malgré que la chaleur de l’atmosphère ne soit pas au point qui leur convient ; telles sont les couches faites avec du fumier, du tan, des feuilles de certains arbres, ou avec le marc des raisins.

On distingue trois espèces de couches ; la chaude, la tiède & la sourde. (voyez Planche 5, page 144 de ce volume.)

La chaude A, est celle qui vient d’être construite, & qui conserve toute sa chaleur, dont on laisse évaporer une partie pendant huit jours avant d’y semer. On appelle encore couches chaudes, celles qui sont renfermées dans les serres chaudes, (voyez ce mot) & dont la chaleur est entretenue par les tuyaux de chaleur qui les environnent, ou qui passent par-dessous. Souvent ces couches sont composées de sable, & renfermées par un encaissement dans lequel on range les vases : on devrait plutôt les appeler couches sourdes que chaudes.

Couche tiède, est celle qui a conservé sa chaleur nécessaire, & qui est garnie de cloches B. Cette expression exige encore une exception : on appelé couche tiède celle qui a perdu trop de chaleur, & qu’il faut ranimer par des réchauds. Cette seconde couche tiède, qui seroit trop foible pour des ananas, seroit encore trop chaude, par exemple, pour des laitues ; cette distinction est nécessaire.

Couche sourde C, est celle qui est enterrée à fleur de terre, c’est-à-dire, c’est une fosse quelconque remplie de fumier, ou de telle autre matière fermentescible.

Les paysans n’ont aucune idée des couches artificielles, excepté ceux qui habitent dans le voisinage des villes ; ils ont vu que des graines ensevelies dans la couche de terre, dont on recouvre les monceaux de fumier, afin de les faire plutôt pourrir, germoient de bonne heure, & y acquéroient une belle végétation. De-là l’idée leur est venue d’y semer les poivres d’Inde ou de Guinée, les aubergines, les melons, &c. pour les replanter ensuite, & ils n’ont pas été plus loin : c’est en partant de cette idée simple, que les jardiniers & les amateurs ont porté, depuis un siècle environ, les couches à leur plus grande perfection. Les gens riches trouvent un grand plaisir d’avoir forcé la nature à couvrir leurs tables de différens fruits ou légumes, dans le temps qu’elle est par-tout ailleurs engourdie, d’avoir devancé les saisons, &c. Eh bien, jouissez à votre manière, considérez ces fruits avec admiration ! Moins pressés de jouir que vous, l’homme du peuple & le cultivateur raisonnable, seront amplement dédommagés de leur attente ; ils mangeront plus tard que vous ces fruits, ces légumes ; mais pleins de goût, tout parfumés, suivant leurs qualités différentes, & il ne vous envieront pas un légume, dont la saveur est l’eau & le fumier.

Je ne crains pas de dire, dussé-je être contredit par tous les maraîchers des environs de Paris, que