Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/526

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’usage des couches est superflu, & qu’il est seulement utile pour la culture des ananas, par exemple, ou de telles autres plantes exotiques, incapables de résister aux rigueurs de nos climats : ces salades si vantées, ces légumes que l’on mange à Paris, & qui doivent leur existence au fumier des couches, sont détestables ; cependant on les trouve bons parce qu’on n’en connoît pas de meilleurs, & qu’on n’est pas à même de juger par comparaison. Laissons les couches livrées à l’usage des gens riches, & soyons assez sages pour mieux employer nos fumiers, & nous contenter des fruits & des légumes que la nature nous prodigue dans chaque saison : je passerois volontiers sous silence ce qui regarde les couches, si cet Ouvrage n’étoit pas consacré également à traiter de toutes les parties du jardinage & de l’agriculture.

I. Des matériaux. Le cheval, l’âne & le mulet fournissent le fumier dont on se sert pour les couches ; le dernier est préférable. Il ne faut pas que la paille ait resté plus d’une nuit ou deux sous les bêtes, il suffit qu’elle soit pénétrée de leur urine. Lorsqu’on l’enlève, en met de côté le crottin, & on en laisse le moins que l’on peut : cette litière peut être employée tout de suite ou mise en réserve dans un lieu sec & à l’abri de la pluie pour s’en servir au besoin.

Le fumier de vache, de mouton, mérite de trouver place dans les couches, comme il sera dit ensuite, ainsi que la vanne du blé, (gluma) & sur-tout de l’orge. Un des matériaux les plus précieux, est le tan qui est l’écorce de chêne ou de bouleau, réduite en poudre grossière, telle que les ouvriers l’emploient pour préparer les cuirs.

II. Du choix du lieu de la couche. Ce choix est important : s’il est humide, il absorbe la chaleur de la couche ; s’il est froid, exposé à un grand courant d’air, il la dissipe. Il est donc à propos d’enclorre de murs le terrein des couches, afin de leur former de bons abris ; &, comme je l’ai dit, en parlant des châssis, de ne pas les appuyer contre les murs, ils absorberoient en pure perte sa chaleur, & priveroient de la facilité de donner des réchauds. Je conseille de couvrir le sol avec des planches percées de beaucoup de petits trous, & posées sur un lit de sable fin de deux à trois pouces ; elles retiendront sa chaleur, & empêcheront les courtilières d’y pénétrer : il faudrait encore les environner par le bas avec des planches de six pouces de hauteur, ce qui formeroit une espèce d’encaissement. (voyez le mot Châssis)

III. De la manière d’élever les couches simples. Leur grandeur est relative aux besoins & à l’emplacement ; il n’en est pas ainsi pour leur largeur ; plus elles sont larges, moins il est facile de maintenir leur chaleur par les réchaux. On commence par porter sur le terrein, d’après les dimensions données, une rangée de fumier pailleux, ou frais ou sec, dont on a parlé ; on l’étend avec la fourche, & on en forme un premier lit. Le jardinier a soin de retrousser, sur l’alignement, toutes les pailles qui l’excèdent ; ensuite il bat ce lit, soit avec des morceaux de bois fixés à un manche, soit avec des masses ; il le piétine d’un bout