Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/571

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pour chasser loin du corps les matières étrangères qui croupissent dans telle ou telle partie : or, les efforts que fait la nature sont différens les uns des autres, & ces différences naissent, 1°. de la variété des tempéramens ; 2°. de la différence des âges & des sexes ; 3°. de la nature des matières qui font maladie, & de leur présence sur telle ou telle partie plus ou moins essentielle à l’entretien de la vie, & au libre exercice des fonctions qui constituent la vie & la santé, 4°. des efforts, soit violens, soit foibles, que fait la nature pour chasser la matière principe de la maladie.

Or, dans toutes ces circonstances, il ne faut jamais abandonner la nature à elle-même : si les efforts qu’elle fait, dans le principe des maladies, sont trop violens, il faut calmer ces efforts, par les saignées & par les rafraîchissans ; si ces efforts sont foibles & languissans, comme dans les fièvres malignes, il faut ranimer les forces de la nature par des remèdes légèrement toniques : on trouve réuni dans un seul (dans l’application des vésicatoires) tout ce que l’on peut désirer sur cet objet.

Il suit de cette conduite que, dans le premier état, la nature égarée par la fougue impétueuse de ses mouvemens désordonnés, ne pourroit jamais travailler utilement à la coction ; que le désordre croîtroit rapidement, & que la destruction en seroit le terme. Or, en employant les saignées & les relâchans, la fougue se calme, la nature se reconnoît ; elle travaille à la coction, & la convalescence commence à paroisse.

On entend par coction, un mouvement intérieur, par le moyen duquel une matière infecte passe insensiblement à un état moins corrompu ; nous ignorons entièrement par quel mécanisme se fait la coction ; mais il nous suffit d’avoir observé qu’elle se fait, & qu’il est utile qu’elle se fasse. On sait qu’à la suite de la fermentation, on voit paroître un principe qui n’existoit pas avant : or, pour se former une idée de la coction, on peut la considérer, à peu de chose près, comme la fermentation : on sait que la chaleur accélère la fermentation, & qu’une trop grande quantité d’eau la retarde : cet exemple peut jeter du jour sur la coction & sur son méchanisme.

Dans le second état, la nature opprimée de tout côté, languit, est incapable d’exciter une crise salutaire, & elle est, à chaque instant, sur le point de succomber sous le poids énorme des matières malfaisantes qui enchaînent son activité : donnez alors, donnez de la vigueur à la nature ; elle sort de sa léthargie ; elle travaille à la coction, & tous les symptômes qui annonçaient une fin prochaine, s’évanouissent : diminuez, ajoutez & aidez, voilà tout l’art de sa médecine.

De tout ce que nous venons de dire, on doit conclure, qu’il existe un temps dans les maladies, où il faut abandonner aux soins de la nature le travail de la crise, mais qu’il ne faut jamais la perdre de vue : on excite, on diminue la chaleur suivant l’âge, le tempérament, la nature, la force & le degré de la maladie.

Lorsque la coction est faite, si la nature ne chasse pas la cause matérielle de la maladie, on se charge de ce travail ; si elle se prépare seulement, on lui prête des secours ; s’il existe des amas de