Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/582

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de la stérilité d’une terre autrefois fertile, en disant qu’elle vieillissoit. Parmi eux, quelques-uns avoient imaginé que, dans cet état de vieillesse, elle étoit incapable de donner des productions comme auparavant. C’étoit le sentiment de Tremellius ; il comparoit une terre nouvellement défrichée, à une jeune femme qui cesse d’enfanter à mesure qu’elle avance en âge. Columelle s’élève fortement contre cette opinion, capable de décourager les cultivateurs ; une terre, suivant lui, ne cesse jamais de produire par cause de vieillesse ou d’épuisement, mais parce qu’elle est négligée.

La méthode de bonifier les terres par le moyen des engrais, est presqu’aussi ancienne que l’art de cultiver. Tous les auteurs agronomes prescrivent cette pratique, comme étant très-propre à augmenter la fertilité de la terre, & capable d’empêcher son dépérissement. L’histoire de la Chine nous apprend que Yu, le premier Empereur des Yao, fit un ouvrage sur l’agriculture, dans lequel il parloit de l’usage des excrémens de différens animaux. La méthode de les améliorer en les fumant, d’arrêter leur dépérissement, de prévenir la décomposition du terreau, si nécessaire à la végétation, s’est établie successivement : dès qu’on s’est apperçu qu’un champ, après plusieurs récoltes, cessoit d’en produire d’aussi abondantes, on a eu recours aux engrais pour lui rendre sa première fertilité. Pline assuroit que l’usage de fumer les terres étoit très-ancien : dans son dix-septième livre, chap. 9, il dit que, selon Homere, le vieux roi laertes fumoit son champ lui-même. Le fumier fut d’abord employé en Grèce par Augias, roi d’Élide : Hercule, après l’avoir détrôné, apporta cette découverte en Italie, où l’on fit un Dieu du roi Stercutus, fils de Faunus.

Dans le détail des engrais, Virgile recommande principalement les fèves, les lupins, la vesce ; il est persuadé que le froment vient avec succès après la récolte de ces sortes de grains, capables de bonifier la terre, loin de l’épuiser, comme feroient d’autres espèces de légumes. Les chaumes brûlés après la moisson, sont encore, suivant son opinion, très-propres à fumer les terres, parce leurs cendres y laissent de nouveaux principes de fertilité.

Columelle distingue trois sortes d’engrais, dont l’usage lui avoit paru le plus capable de bonifier les terres ; 1°. les excrémens des oiseaux ; 2°. ceux des hommes ; 3°. ceux du bétail : la fiente de pigeon étoit, selon lui, le meilleur ; ensuite celle de la volaille, excepté celle des canards & des oyes. En employant Les excrémens humains, il avoit soin de les mêler avec d’autres engrais ; sans cette précaution, leur grande chaleur auroit été nuisible à la végétation. Il se servoit de l’urine croupie pendant six mois pour arroser les arbres & les vignes ; le fruit qu’ils donnoient ensuite en grande abondance, étoit d’un goût excellent. Parmi les fumiers des bestiaux, Columelle préféroit celui des ânes à tout autre ; celui des brebis & des chèvres, à la litière des chevaux & des bœufs : il proscrivoit absolument le fumier des cochons, dont plusieurs agriculteurs de son temps faisoient usage.