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Varron employoit, avec succès, le fumier ramassé dans les volières des grives : les anciens, très-friands de cette espèce d’oiseaux, les nourrissoient pour les engraisser, comme on fait aujourd’hui des ortolans : cette sorte d’engrais étoit répandue principalement sur les pâturages dont l’herbe étoit ensuite très-bonne pour engraisser promptement le bétail. Caton, afin de bonifier les terres, y faisoit semer des lupins, des fèves ou des raves ; il employoit aussi le fumier du bétail des fermes, sur-tout lorsque la litière des chevaux, des bœufs, étoit faite avec les longues pailles de froment, de fèves, de lupins, ou avec les feuilles d’yeuse, de ciguë, & en général avec toutes les herbes qui croissent dans les sausaies & les marais.

Pour fertiliser les terres froides & humides des plaines de Mégare, les grecs employoient la marne, nommée, selon lui, argile blanche. Dans la Bretagne & dans la Gaule, cet engrais étoit aussi connu & employé ; ce n’étoit qu’après le labourage qu’on le répandoit : souvent même il falloit le mêler avec d’autres fumiers, pour qu’il ne brûlât pas les terres.

Les anciens avoient coutume de répandre les engrais avant de semer, ou lorsque les plantes étoient levées : la première méthode étoit la plus suivie. Lorsque les circonstances n’avoient pas été favorables pour fumer avant les semailles, immédiatement avant de sarcler, on répandoit le fumier en poussière. Columelle conseille de transporter les engrais, & de les répandre dans le mois de septembre, pour semer en automne ; dans le courant de l’hiver ; & au déclin de la lune, quand on ne sème qu’au printemps. Dans cette dernière circonstance, il falloit laisser le fumier en tas dans les champs, pour ne le répandre qu’immédiatement avant le premier labour. Selon le besoin des terres, il suivoit la méthode d’un de ses ancêtres ; elle consistoit à mêler la craie avec les terres sablonneuses, & le sable avec les crayeuses. Il observoit cette pratique pour les terreins en vigne, comme pour ceux à froment : rarement il fumoit les vignes, persuadé que les engrais, en augmentant la quantité du vin, en altéroient la qualité. Quand un cultivateur n’avoit pas les fumiers nécessaires pour l’exploitation de ses terres, il conseilloit d’y semer des lupins, & de les enterrer avec la charrue avant qu’ils fussent parvenus à maturité.

IV. Des jachères. Quoique les anciens fussent persuadés que les molécules de la terre, extrêmement atténuées par les labours, étoient l’aliment pompé par les racines des plantes, pour fournir à la végétation, ils s’apperçurent cependant que la trituration des parties terrestres n’étoit pas toujours un moyen efficace pour procurer aux végétaux la nourriture nécessaire à leur accroissement. Malgré la fréquence des labours, ils observèrent que les plantes languissoient dans un terrein presque stérile après plusieurs productions. Quelques agriculteurs crurent avoir trouvé la cause de ce phénomène, en disant que la terre vieillissoit. Après avoir observé un terrein abandonné & laissé sans culture, produire cependant de mauvaises herbes, ils imaginèrent qu’au bout d’un certain temps, la terre reprenoit sa première