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aux sucs particuliers à l’espèce de plantes qu’on y cultive, dont les mauvaises ne s’étoient point emparées, parce qu’ils n’étoient point analogues à leur végétation, mais à la bonne culture donnée à cette terre pour développer les principes de sa fertilité.

De ce raisonnement plus captieux que solide, M. Tull conclut, 1°. que tout terrein fournit aux différentes espèces de plantes les sucs dont elles ont besoin seulement du plus au moins, relativement à leurs qualités ; 2°. que tous les végétaux se nourrissent des mêmes sucs, & qu’on doit attribuer la variété des saveurs de leurs fruits aux modifications de la séve dans les organes de la plante ; 3°. que les végétaux se nuisent réciproquement dans un même terrein, parce qu’ils cherchent tous à prolonger leurs racines, pour aspirer les stucs nourriciers, analogues à toutes les espèces.

M. Tull, considérant les molécules de la terre, comme les parties qui contiennent les sucs propres à la végétation de toute sorte de plantes, est persuadé qu’on ne peut mettre les racines dans la position favorable d’en profiter, que par une bonne culture de préparation, & par des labours fréquens, lorsque la plante prend son accroissement. Convaincu, que les terres, en général, sont assez fertiles par elles-mêmes, il pense que les cultivateurs doivent moins s’occuper à les pourvoir, par le secours des engrais, des substances nécessaires à la végétation, qu’à les cultiver, afin que les labours procurent aux racines la facilité de recueillir les sucs répandus en abondance dans presque toutes les terres.

Exposé de la manière d’exploiter les terres selon la méthode de M. Tull.

I. Des labours & des instrumens nécessaires. M. Tull ne croit pas qu’une même charrue soit propre à exécuter les labours, dans toute sorte de terres, sans distinction de leurs qualités, ni de l’espèce de culture qui leur convient. Toutes les charrues ne lui ont pas offert des instrumens capables de remplir son objet à cet égard : il en a imaginé deux avec lesquelles il prétend diviser mieux la terre, faire des labours plus profonds ; l’une est destinée à cultiver les terres fortes ; l’autre, celles qui sont légères. (Voyez-en la description au mot Charrue)

Pour rendre la terre fertile, l’agriculteur anglois insiste sur la nécessité de multiplier les labours, soit de préparation, soit de culture : il assure qu’ils sont également avantageux aux terres fortes & légères. Voici comment il s’explique à ce sujet. « Une terre forte est celle dont les parties sont si rapprochées, que les racines ne peuvent y pénétrer qu’avec beaucoup de difficulté. Si les racines ne peuvent point s’étendre librement dans la terre, elles n’en tireront point la nourriture qui est nécessaire aux plantes, qui après avoir été languissantes, seront absolument épuisées. Quand on aura divisé ces terres à force de labours, qu’on aura écarté leurs molécules les unes des autres, les racines pourront alors s’étendre, parcourir librement tous ces petits espaces, & pomper les sucs qui sont nécessaires à la végétation des plantes, qui croîtront avec beaucoup de vigueur. Par une raison contraire,