Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1783, tome 3.djvu/663

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gagnera plus par les redevances, par les droits de mutations, que si elle avoit elle-même défriché le terrein.

Les biens des communes ou communautés d’habitans, sont toujours en friche, & ils ne peuvent pas être aliénés : chaque habitant y a droit, ou, ce qui est la même chose, a le droit de rendre le sol encore plus mauvais par ses déprédations journalières. (Voyez ce qui a été dit au mot Communaux)

Les grands tenanciers qui ne sont pas seigneurs, sont, plus que les autres, dans l’impossibilité de se dessaisir des friches, & moins dans le cas de les mettre en valeur. Ils peuvent, tout au plus, les concéder sous des redevances un peu fortes : dès-lors il n’y a plus de preneurs. S’ils veulent établir pour eux les droits de mutations, les preneurs auront, par la suite, à payer ces droits, & au bailleur, & au seigneur ; de sorte que ces doubles droits rebuteront les nouveaux acquéreurs. Grands tenanciers ! avez-vous des terres incultes & de peu de valeur ? petit à petit convertissez-les en bois ; mais travaillez sans relâche à améliorer les bonnes terres. Si vous êtes pères de famille, vous doublerez ainsi la valeur de l’héritage que vous laisserez à vos enfans.

Qu’est-il arrivé des grandes & immenses concessions que le gouvernement a faites à plusieurs seigneurs, ou à des intrigans qui sollicitent tout, pour ainsi dire, auprès des ministres ? Ils poursuivoient avec avidité les titres de ces propriétés, non pour faire valoir par eux-mêmes, mais comme un objet de spéculation. La redevance qu’ils devoient payer à la couronne, étoit, par exemple, de vingt sous par arpent ; ils ont cru ensuite les inféoder à une somme beaucoup plus forte ; il ne s’est point présenté d’acquéreur, & les fonds sont aujourd’hui tels qu’ils étoient il y a cinquante ans, avec la différence cependant qu’ils sont perdus pour la société.

Si, au lieu de concéder à des intrigans, le gouvernement, qui cherche à encourager l’agriculture, eût dit à tout étranger ou à tout françois qui voudra venir habiter en tel endroit : Il lui sera concédé une telle étendue de terrein, & accordé des facilités pour s’y loger, &c. alors le sol auroit été vraiment défriché & bien cultivé, au lieu que l’encouragement accordé par les lettres-patentes, n’a pas produit le bien que le gouvernement pouvoit & devoit en attendre. Deux raisons essentielles s’y sont opposées ; les conditions imposées par ceux qui avoient obtenu les titres des concessions, & le manque de bras. On a mieux aimé continuer la culture des bonnes terres, que d’entreprendre celle des mauvaises.

Les terres en friche, en France, le sont, ou en raison des propriétaires, comme on vient de le dire, ou à cause de la nature du fonds. Un bon sol en friche appartient, ou au Roi, ou à une communauté d’habitans : ainsi, entraves sur entraves pour son défrichement. Si le sol est bon, & qu’il appartienne ou à un seigneur ou à des particuliers, quelle est donc la raison de sa stérilité ? L’éloignement des habitations, & sur-tout le manque de bras ; car on ne peut pas supposer les hommes assez dénués de bon sens, pour ne pas cultiver un terrein qui dédommageroit