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alors une baraque, un hangar proportionné à la quantité d’ouvriers à employer, sera suffisant. La perte sera peu considérable, lorsqu’il faudra le renverser, & les bois & les planches ne seront pas perdus.

Divisez vos ouvriers par compagnie de dix, dont un, le plus intelligent, sera nommé le chef & répondra des autres.

Ayez un inspecteur & plusieurs sous-inspecteurs, si le besoin l’exige ; leur fonction sera, celle de l’inspecteur, de veiller sur les sous-inspecteurs, & ceux-ci sur les ouvriers qu’ils ne perdront jamais de vue. Trois fois par jour l’inspecteur fera l’appel, le matin avant d’aller à l’ouvrage ; après le diner & le soir en finissant le travail, afin de s’assurer que les ouvriers n’ont point été perdre leur temps au village.

C’est une erreur de penser qu’il faille mettre un grand nombre d’ouvriers à la fois. Ils en travaillent moins ; un seul babillard distrait tous les autres. Si j’étois dans une pareille position, j’aimerois mieux composer les brigades seulement de cinq, & les placer de manière qu’elles ne se verroient pas. Qu’un ouvrier cesse un instant de travailler, tous les autres l’imitent ; qu’il y ait un bloc de pierre à déplacer, ils se mettront dix ; tandis que quatre suffiroient, & dix autres les regarderont faire. Faut-il abattre un arbre ? le plaisir de le voir tomber les détournera tous, &c. J’ai suivi les ouvriers, & je connois leurs allures.

Si vous ne fournissez pas les outils aux ouvriers, que l’inspecteur se fasse présenter, chaque samedi soir, ceux dont ils se servent. Une pelle, une pioche usée à moitié de sa longueur où de sa largeur, ne fait que la moitié du travail, & le résultat est une demi-journée, au lieu d’une journée entière. Si, par les conventions, les outils sont à votre charge, leur nombre doit excéder celui des ouvriers ; ils en briseront & useront beaucoup, & l’ouvrier ne fera rien pendant qu’ils seront à la forge.

Je viens d’entrer dans des détails peut-être minutieux ; mais je demande à ceux qui ont fait beaucoup défricher, s’ils sont inutiles ? Les grandes entreprises ne réussissent que par les petits soins de détail ; & ce que l’on appelle petite économie, va plus loin qu’on ne pense.

Si, dans les défrichemens on doit se servir de bœufs, de chevaux, de charrues, de charrettes, de tombereaux, &c. il faut un hangar pour loger les voitures, une écurie pour les bêtes, & un local pour les fourrages. Le transport des terres à la brouette, (Voyez ce mot) est le moins coûteux. Si la distance est un peu éloignée, le tombereau dont on s’est servi pendant la construction du pont de Neuilly, sera très-utile. (Voyez le mot Voiture) Quant aux charrues, il est prudent de les avoir doubles, & même triples à cause des fractures. De ces préparatifs, passons au défrichement réel.

Section II.

De l’opération du Défrichement.

Je donne à toute terre en friche le nom général de lande, & j’en distingue deux espèces qui peuvent encore se sous-diviser en un grand nombre. J’appelle la première, lande maigre, & communément elle est couverte de bruyères : son sol est une