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cette grande activité dans les engrais provient de la promptitude avec laquelle certains animaux rendent la nourriture qu’ils ont prise. Plusieurs auteurs ont assuré que l’usage de ce fumier étoit dangereux, qu’il brûloit les plantes ; oc ils ont eu raison, s’il est employé frais : mais si on l’amoncela, si on le mélange avec de la paille, & s’il fermente un temps convenable, c’est un très-bon engrais, sur-tout pour les terres compactes, argileuses &c. qu’on appelle assez improprement terres froides.

§. III. Des Engrais tirés des Excrémens humains.

Voilà de tous les engrais, l’engrais par excellence, celui qui produit les effets les plus merveilleux ; mais on doit ajouter les plus détestables, s’il n’est pas convenablement employé. Frais, il brûle, il corrode ; sortant des latrines, il est encore plus dangereux ; seul & sans mélange, c’est, dans la première année, le destructeur de la végétation ; s’il ne détruit pas les plantes qu’il engraisse, il leur communique une odeur & une saveur détestables. Frédéric Hoffman rapporte que de la bière faite avec de l’orge produite par un champ fumé avec cet engrais, en avoit conservé l’odeur, & que son goût étoit très-désagréable. Un autre auteur cite un fait semblable sur le blé ; mais il ajoute que celui qui fut semé l’année suivante sur le même champ, ne sentoit rien. La différence vient uniquement de ce que l’on avoit employé ce fumier trop frais. La fève n’avoit pas charié dans le grain les principes de cette odeur ; il se les étoit seulement appropriés à l’extérieur, de la même manière que le raisin contracte l’odeur du souci ou de l’aristoloche qui croissent dans les vignes.

J’ai déjà indiqué quelque part, pourquoi la nature donnoit aux fruits des péduncules ou queues très-minces, très-petits, proportion gardée avec le volume du fruit. Ce péduncule admet seulement les fluides séveux les mieux élaborés, & l’endroit où le péduncule s’implante dans le fruit, forme encore un nouveau bourrelet qui raffine la sève en dernière analyse. L’expérience vient à l’appui de cette assertion. Le célèbre M. Hales va parler. « Je versai dans un tube fixé à un pommier de pommes de reinette, une pinte d’esprit de vin camphré bien rectifié ; l’ergot tira toute cette quantité dans trois heures, & cela fit mourir la moitié de l’arbre. Mon intention étoit d’essayer si je pourrois donner le goût de camphre aux pommes qui étoient en grand nombre sur la branche ; mais je ne réussis point : car le goût des pommes ne fut du tout point altéré, quoiqu’elles pendissent à l’arbre pendant plusieurs semaines après l’opération ; cependant l’odeur de camphre étoit très-forte dans les queues des feuilles & dans toutes les parties de la branche morte. Je fis la même expérience sur un cep de vigne, avec de l’eau de fleur d’orange d’une odeur très-forte & très-relevée. L’événement fut le même ; l’odeur ne pénétra pas dans les raisins ; mais elle étoit fort sensible dans le bois & dans la queue des feuilles ». On ne sera donc pas surpris, si les salades & autres légumes analogues contractent réellement un mauvais goût, & à plus forte raison une mauvaise odeur.