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ainsi pour la couleur des grains de chaque espèce jardinière de blés.

Parmi les blés barbus on distingue ceux à barbes longues & à barbes courtes, à barbes lisses & à barbes raboteuses, ou comme légèrement épineuses ; à épis plus aplatis ou plus quarrés ; à grains dont l’écorce est couleur paille, à écorce d’un jaune doré, à écorce rouge, à écorce blanche ; enfin, d’autres plus ou moins gros, plus ou moins arrondis ou alongés. On observe les mêmes différences pour la couleur & pour la forme sur les blés ras.

On distingue encore les blés en hivernaux & en printaniers ou marsais. Les hivernaux sont communément semés en septembre ou en octobre, & passent l’hiver en terre, d’où ils ont pris leur dénomination générale ; les autres ont été nommés marsais ou printaniers, parce qu’on les sème dans le mois de mars & à l’entrée du printemps ; dans quelques endroits on les appelle encore de trois mois ou blés trémois, parce qu’ils ne restent guère plus de trois mois en terre.

Toutes ces dénominations tiennent plus aux cantons qu’à la réalité. En Languedoc, par exemple, & dans beaucoup d’autres provinces du royaume, tous les blés sont semés en octobre ou en novembre, & tous les blés y sont barbus, la touzelle exceptée ; si on transporte ces grains dans des provinces éloignées, si on les y sème avant l’hiver, peu à peu ils deviendront ras, & j’ai même observé des touzelles complètement barbues, à demi & au tiers barbues.

La grosseur du grain ne caractérise pas mieux l’espèce. Par exemple, l’auteur de la Maison rustique dit que le grain de la touzelle est plus gros que celui des fromens ordinaires, tandis qu’en Provence, en Languedoc, &c. il est plus petit ; mais ici n’y auroit-il pas confusion de nom ? au moins je le pense. Tout blé ras n’est pas touzelle, & je puis dire que j’ai très-peu vu de vraie touzelle dans nos provinces du nord ; ou bien, en supposant que la véritable eût été transportée du midi au septentrion du royaume, elle y a éprouvé des changemens dans la force de son grain, & même dans la couleur, puisque celle du nord n’est pas aussi blanche que celle du midi.

D’après ces observations, il est donc impossible ou du moins très-difficile d’établir une nomenclature exacte des différentes variétés de blés cultivées dans le royaume, puisque celui qui voudroit l’entreprendre seroit obligé de faire venir de trente endroits au moins de chaque province, les espèces de blé qu’on y cultive ; de semer ces espèces & les faire cultiver sous ses yeux, & enfin d’en faire une description exacte ; mais à quoi servira l’exactitude même la plus scrupuleuse dans ce travail, sinon à conclure que telle & telle espèce s’est montrée de telle & telle forme dans le champ de ce particulier ; & le grain qui sera provenu de cette récolte, ne ressemblera presque plus ou plus du tout, après avoir été semé pendant plusieurs années de suite, au blé de l’endroit d’où on l’aura originairement tiré. Il y a plus, semez avant l’hiver ce qu’on appelle blé printanier, & vous verrez la différence que ces trois mois d’hiver auront produite sur la grosseur de ce grain ; & j’ose dire que les blés de mars ou printaniers semés plu-