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que c’est une espèce jardinière. On ne sauroit trop insister sur cette distinction d’espèces premières ou botaniques & d’espèces jardinières ou du second ordre ; elle sert de base à toutes les semailles.

Il est plus avantageux de choisir de proche en proche les semences dans un canton naturellement plus froid ; elles gagneront au midi. Les grains des champs situés au bord de la mer ou à quelques lieues de son voisinage, sont ceux qui peuvent être transportés le plus loin, pourvu toutefois qu’on ne les sème pas dans un climat beaucoup plus chaud. Ces blés sont imprégnés d’un sel que n’ont pas les autres blés.

Section III.

Du choix des semences.

Ici les opinions sont encore partagées. M. de la Bretonnerie, dans son ouvrage intitulé Correspondance rurale, & qui mérite d’être souvent cité, dit : « On a observé que les blés retraits germent fort bien ; ils sont moins coûteux ; il y a du profit conséquemment à les acheter pour semer, ainsi que les blés à demi-germés. » Je conviens de l’économie & même, si l’on veut, de la germination ; mais la question se réduit à savoir si ce blé, toutes circonstances égales, produira une paille aussi nourrie, aussi haute, le même nombre de tiges & d’épis aussi fournis & d’un grain aussi beau ? J’ai vu, chez un de mes voisins, à la récolte de 1783, un froment provenu du grain qu’on nomme d’épeluchure ou du reste de l’aire, assez beau, mais qui ne pouvoit supporter la comparaison avec ceux des autres champs limitrophes. Il peut y avoir des exceptions qui confirment l’assertion de M. de la Bretonnerie, ainsi je ne nie pas le fait.

Mon avis, au contraire, est qu’on ne doit rien épargner pour se procurer le plus beau froment de semence, & sur-tout celui qui sera le plus complètement dépouillé de grains étrangers, tels que l’ivraie, la nielle, toute espèce de pois, pesettes, vesces & autres plantes de la famille des légumineuses, &c. ; outre que ces dernières occupent inutilement la place d’un à deux grains de blé, elles abyment les tiges de leur voisinage. La nature a pourvu les plantes légumineuses de filets ou vrilles (voyez ce mot) par lesquelles elles s’attachent à tout ce qui s’élève au-dessus de terre & qu’elles rencontrent. Ces vrilles s’entortillent autour des tiges, les serrent, les compriment, leurs épis ne reçoivent plus la subsistance qui leur convient, & elles s’étendent quelquefois jusqu’à trois ou quatre touffes de blé : ce fait n’est point équivoque. Outre le tort que ces plantes font au blé, elles détériorent beaucoup la qualité, car les vans, les cribles ne sauroient les séparer complètement du grain.

J’insiste fortement, 1°. sur la nécessité de se procurer l’espèce de froment que l’on connoît par expérience le mieux réussir dans tel ou tel champ. 2°. Le grain le plus sain, le mieux nourri & le plus gros, chacun dans son genre. 3°. Le froment le plus complètement dépouillé de tous grains étrangers, en un mot le plus pur. Il est plus que probable, & j’ose dire démontré, qu’un froment bien nourri, bien sain, supportera beau-