Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/244

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Mais l’usage des antiseptiques n’est pas indifférent, sur-tout si on les employe avant que les fluides soient devenus putrides, & que les solides ayent perdu leur ressort ; car si l’on s’en servoit plutôt, on causeroit ce que l’on voudroit prévenir ; on produiroit une plus grande roideur dans les fibres déjà trop tendues, un épaississement & une luminosité plus considérables dans les humeurs ; on augmenteroit l’inflammation ; on la rendroit irrésoluble, & même incapable de se terminer par suppuration ; on y attireroit peut-être la pourriture & la gangrène. On ne doit donc s’en servir que lorsque la chaleur, la mollesse des chairs, la dissolution, la mauvaise qualité & la fétidité du pus indiquent un état putride dans les liqueurs, & un défaut d’action dans les fibres.

Enfin, si l’on ne peut ni prévenir, ni retarder, ni détruire les progrès de la pourriture, les solides perdent entièrement leur force, leur cohésion, leur mouvement ; les fluides tombent dans une dissolution totale ; ils restent ou desséchés, ou extravasés, ou corrompus ; l’organisation des uns & des autres est absolument détruite, il n’est plus possible de les rappeler à la vie. L’unique moyen qui reste à la nature, est d’empêcher que l’altération & la putridité ne se communiquent aux parties saines, & d’exciter une inflammation autour de la partie gangrenée, pour séparer & faire tomber ce qui est mort par le moyen de la suppuration. L’art pour seconder les vues de la nature, & décider une inflammation salutaire, doit mettre en usage des médicamens fort irritans, comme le sel ammoniac, l’eau phagédénique, les cendres gravelées, l’onguent égyptiac, la pierre à cautère & les autres escarotiques. On joint à l’usage de ces remèdes celui de quelques liqueurs convenables ; par exemple, des décoctions d’aristoloche, de scordium, d’absente, de sauge, de rhue, de quinquina, des baumes naturels, des teintures de myrrhe, d’aloès, de l’eau de vie camphrée, du vinaigre aromatisé, &c. dont on fomente la partie. On peut même approcher avec succès le cautère actuel de la partie malade, en la touchant légèrement : mais si la gangrène pénètre profondément, on fait des scarifications jusqu’au vif : elles ont deux avantages ; elles procurent une issue aux fluides putrides, & elles donnent lieu aux médicamens de pénétrer & de se faire sentir. On emploie les mêmes moyens dans l’ulcère gangreneux, lorsque la pourriture s’étend toujours, soit en profondeur, soit en surface, & que les bords enflammés se gangrènent : il convient encore en même temps de donner les antiseptiques internes, comme les décoctions de chicorée sauvage, de galanga, de gentiane, de camomille, de quinquina, d’absente, de petite centaurée, &c.

II. Les matières putrides qui sont contenues dans les premières voies du cheval, du bœuf ou de la brebis, &c, y causent souvent la gangrène. Elles se manifestent par une diminution de l’appétit, par un léger dégoût, par des envies fréquentes de boire, par une bouche pâteuse, par l’odeur un peu aigre & pourrie des vapeurs qui sortent des estomacs par la bouche. Le dégoût devient plus considérable, l’animal perd totalement l’appétit, les envies de boire