Page:Rozier - Cours d’agriculture, 1784, tome 5.djvu/619

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ment d’un rouge plus éclatant, & dans l’intérieur, d’un jaune pâle ; d’autres fleurs étoient blanches, un peu plus grandes, & tenoient davantage de la digitale pourprée ; enfin, dans les semences on en trouve très-peu de bonnes, soit que les germes aient été mal fécondés, soit qu’ils ne l’aient pas tous été : on ne trouve ordinairement qu’une ou deux semences de bonnes dans la capsule.

M. Koelreuter a varié cette expérience de quarante-quatre manières, en fécondant artificiellement, les unes par les autres, toutes les espèces de digitales ; savoir, la pourprée, la jaunâtre, la ferrugineuse, l’ambiguë, l’obscure, la digitale thlaspi & celle des Canaries ; cinq combinaisons seulement lui ont parfaitement réussi, & lui ont donné des variétés hybrides ; savoir, 1°. la jaunâtre fécondée par la pourprée ; 2°. la jaunâtre, par la digitale thlaspi ; 3°. la ferrugineuse, par l’ambiguë ; 4°. la pourprée, par la digitale thlaspi ; 5°. la digitale thlaspi par la pourprée, 6°. la ferrugineuse par l’obscure, & vice versâ ; 7°. l’ambiguë, par l’obscure, & vice versâ ; 8°. l’obscure par la jaunâtre, & vice versâ. Ce savant essaya encore de féconder artificiellement les nouvelles espèces hybrides, ou par elles-mêmes, ou avec la poussière d’autres digitales ; mais le succès ne répondit point à ses espérances, & toutes les conceptions furent de nul effet absolument, ou de peu de valeur.

Il fut plus heureux dans les expériences qu’il fit sur les lobélies siphilitiques cardinales, & moins sur la brûlante, l’érine, l’enflée & la lobélie cliffort.

Un des membres de la société des amis scrutateurs de la nature, a tenté tes mêmes fécondations artificielles sur la grande & petite espèce de belle-de-nuit ou jalap, qui lui réussirent parfaitement, & il en obtint une variété hybride, qui portoit sensiblement le caractère d’une origine mélangée.

Ces succès annoncent aux observateurs des phénomènes du règne végétal, qu’ils en peuvent espérer de nouveaux, en tentant de nouvelles expériences dans ce genre, & il seroit très-intéressant de les multiplier & de les varier à l’infini ; on peut compter que nous acquerrions bientôt des richesses.

Il nous reste deux grands points à expliquer dans la production merveilleuse des hybrides ; 1°. comment la poussière séminale d’une espèce peut féconder une autre espèce ? 2°. Pourquoi, dans le cas du succès, la nouvelle plante hybride tient plus ou moins de l’une ou de l’autre des plantes originelles ?

Nous répondrons à la première question, que cette fécondation a lieu exactement, comme celle qui s’opère naturellement dans la plante commune ou dans des plantes absolument de même espèce. (Voyez le mot Fécondation).

La solution de la seconde n’est pas aussi facile : nous allons cependant en hasarder une suivant les principes que nous avons déjà établis plusieurs fois. Le germe, avons nous dit très souvent, existe tout formé dans l’ovaire de la plante ; mais il y est dans un état de torpeur, d’engourdissement ; il vit d’une vie empruntée & non de la vie propre. Pour remplir l’objet important auquel la nature