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sirer de produire quelques degrés de froid, nous allons en donner les principaux moyens.

§. III. Du froid artificiel. Le plus simple de tous les moyens est l’application d’un corps plus froid ou moins chaud que celui que l’on veut refroidir ; on en sent facilement la raison, d’après la loi de la propagation de la chaleur. (Voyez ce mot). C’est ainsi que pour rafraîchir du vin, de l’eau, ou d’autres liqueurs, on les met dans de la glace ou de la neige, ou même de l’eau plus froide que la température actuelle de l’air.

Comme le mélange intime de certaines substances fluides ou solides produit de la chaleur, ainsi celui de certaines substances produit le froid. Si on jette dans une suffisante quantité d’eau un sel, comme l’alcali volatil concret, du nitre, du vitriol, du sel marin, du sel ammoniac ; ces sels, en se dissolvant dans l’eau, la refroidiront au-delà même du degré ordinaire de la congélation, si la froidure de cette eau en approchoit déjà. Le sel ammoniac est le plus efficace de tous les sels ; une livre jetée dans trois ou quatre pintes d’eau, fait descendre la liqueur du thermomètre de Réaumur, de 4, 5, ou 6 degrés, plus ou moins, selon le degré de froid que l’eau avoit déjà. L’effet de ces sels est plus énergique si on les mêle avec de la neige ou de la glace pilée, le froid est infiniment plus considérable. La manière si connue de faire geler des liqueurs en été, malgré le chaud de la saison, est une suite de cette propriété des sels mêlés avec la glace. Deux parties de sel marin mêlées avec trois parties de glace pilée, font descendre, dans les jours les plus chauds, la liqueur du thermomètre de Réaumur à quinze degrés au-dessous de la congélation ; le sel ammoniac ne donne que treize degrés de froid, le salpêtre que onze ; mais la potasse qui est un sel alcali, en donne jusqu’à dix-sept & dix-huit. Toutes les liqueurs, soit spiritueuses, soit acides, versées sur de la glace pilée, produisent encore des degrés de froid plus considérables.

L’acide marin & l’acide nitreux sont les deux liqueurs qui occasionnent le plus grand froid, sur-tout le dernier ; si, refroidi jusqu’au degré de congélation, on le verse sur de la glace pilée, le thermomètre qui est plongé dans le mélange, descendra avec vîtesse jusqu’au dix-neuvième degré ; en refroidissant l’acide & la glace à ce point, il descendra jusqu’à vingt-cinq, & Fahrenheit, avec une préparation semblable, est parvenu à le faire descendre jusqu’au trente-deuxième.

On voit que rien n’est plus facile que de produire même un très-grand degré de froid artificiel ; mais ce froid n’existe que dans le vase où on le produit. Il refroidit jusqu’à une petite distance tout l’air qui l’environne ; & il ne subsiste pas très-long-temps. La durée nécessaire pour que le mélange ait repris la température de l’atmosphère, est aussi celle de sa durée ; il faut donc en profiter tout de suite si on la produit dans le dessein d’en tirer parti.


Section II.

Froid considéré par rapport à l’économie animale.


Nous avons considéré jusqu’à présent le froid, comme isolé de nous