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Une méthode moins simple que celle dont on vient de parler, est celle des jardiniers ordinaires. Ils sèment sur couche (voyez ce mot) ou contre de bons abris, leur graine environ vers la fin de février, ou même en janvier, si le climat est peu exposé aux grandes gelées, ou s’ils ont les facilites pour les en garantir ; ils lèvent les pieds en mars, & les plantent à demeure. J’ai très-souvent observé que, lorsque la fin de l’hiver & le commencement du printemps sont froids, les melons mis en place languissent, sont très-long-temps à se remettre, & qu’ils ne donnent pas des fruits plus précoces que ceux dont on a semé tout simplement la graine lorsque la saison a été décidée ; cependant souvent l’on gagne beaucoup à avoir de bonne heure des pieds sur couche.

Dans les jardins sujets aux courtilières ou taupes-grillons, (Voyez ce mot) la chaleur du fumier attire ces animaux, qui y pratiquent leurs galeries & viennent ensuite couper, entre deux terres, les jeunes pieds les uns après les autres. Combien de semis détruits complètement de cette manière ! Dès que l’on parle de la culture d’un jardin, on suppose déjà des moyens que n’ont pas ceux qui cultivent en pleine terre ; dès-lors on peut mettre un peu plus de recherche dans la méthode. Je propose, pour éviter le dégât presque inévitable, causé par les taupes-grillons, de faire carreler le fond du lieu destiné aux couches ; d’établir de longues caisses de grandeur, & en nombre proportionné au besoin. Ces caisses seront faites avec des planches d’un pouce d’épaisseur, taillées & assemblées en moryoise par les bouts ; enfin, pour prévenir leur déjettement, leurs angles seront maintenus par des équerres en fer. On pose ces caisses sur la partie carrelée, & on enduit leur séparation avec les carreaux, par du mortier à chaux & à sable, ou avec du plâtre ; on les remplit & on forme des couches, ainsi qu’il a été dit. (Voyez ce mot.)

Afin de prévenir la séparation de la terre d’avec la racine, lors de la transplantation, soit encore pour laisser fortifier le pied sur la couche, il convient d’avoir un nombre suffisant de petits vases sans pied, percés au fond par de très petits trous, larges de cinq pouces par le bas, & de six par le haut, & leur hauteur également de six pouces. Les pots ronds, placés les uns à côté des autres, laissent inutilement un espace vide : il vaut donc mieux qu’ils soient quarrés par le haut ; alors nulle place n’est perdue. On place ces pots sur la couche de fumier, & on garnit exactement avec de la terre les vides qui se trouvent entre chaque pot, & ainsi de suite rang par rang, jusqu’au bout de la caisse, qui, sur quatre rangs, peut aisément contenir cent pots au moins, suivant le besoin. On remplit ces vases avec de la terre bien préparée, & on seme quatre à six graines en différens endroits du vase. On est sûr que les taupes-grillons n’y pénétreront pas, & qu’on pourra transporter les plantes avec le vase, sans les déranger, jusqu’aux lieux où elles doivent être mises à demeure. L’évasement d’un pouce de la superficie du vase, sur les cinq qui sont à sa base, facilite le dépotement, & les petites racines chevelues, qui tapissent alors la terre, servent à la retenir, sur-tout si on a eu soin d’arroser les plantes un ou deux jours auparavant.