Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/270

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fait pendant à la Crucifixion ; elle porte, sur ses épaules, la peau d’un lion dont la tête lui sert de bouclier. Sa chevelure flottante est retenue par une bandelette ; elle tient dans sa main droite, couverte d’un gantelet, une épée à trois tranchants et sa main gauche élève le bouclier des Scalas.


Tout à côté de ce monument, s’en dresse un autre, le plus somptueux, le plus majestueux des trois, qui attire et retient le regard de l’étranger par un amas de pinacles entourés de niches contenant les statues des Saints, protecteurs du guerrier défunt.

Ce tombeau est très beau, car il appartient à la dernière moitié du noble XIVe siècle, mais son exécution est inférieure à celle du précédent et l’orgueil qu’on y lit nous prépare à apprendre que l’homme dont la statue le couronne, Can Signorio délia Scala, se l’est élevé à lui-même pendant qu’il était encore parmi les vivants. Observez un fait très significatif : Can Martino II était débile et vicieux ; son sarcophage est le premier qui fut orné d’une Vertu, et c’est la Fortitude! Can Signorio fut deux fois fraticide et sa tombe porte l’image de Six Vertus : la Foi, l’Espérance, la Charité, la Prudence et (je crois) la Justice et la Fortitude.


Retournons à Venise : dans la seconde chapelle (en allant de gauche à droite), au fond ouest de l’église dei Frari, se trouve un autre exemple exquis du tombeau gothique parfait, datant soit du début du XIVe siècle, soit de la fin du XIIIe. C’est celle d’un chevalier qui ne porte ni inscription, ni nom. Il consiste en un sarcophage appuyé sur des corbeaux contre le mur de la chapelle, et supportant la figure couchée, surmontée d'un simple dais ayant la forme d'un arceau en pointe auquel le cimier du guer-