Page:Ruskin - Les Pierres de Venise.djvu/272

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séparèrent ce tombeau en trois parties. Le dais, simple arcade soutenue par des corbeaux, se trouve encore debout contre les murs blancs de la chambre profanée ; le sarcophage a été transporté dans une sorte de musée des Antiques, établi dans ce qui fut jadis le cloître de Santa Maria della Salute ; et la peinture qui remplissait la demi-lune derrière le sarcophage est suspendue, hors de vue, au fond de la sacristie de cette église. Le sarcophage est entièrement recouvert de bas-reliefs : on voit, à ses deux extrémités, saint Marc et saint Jean ; par devant est une belle sculpture : la mort de la Vierge ; aux angles, des anges tiennent des vases. La sculpture occupe tout l’espace ; ni colonnes torses, ni divisions en panneaux ; seulement une plinthe comme soubassement et une autre comme couronne. Pour donner un peu de piquant et de pittoresque à cette masse de personnages, on a introduit, à la tête et au pied du lit de la Vierge, deux arbres : un chêne et un pin.


J’ai dit, plus haut, en parlant des fréquentes discussions des Vénitiens avec le pouvoir pontifical, que « l’humiliation de Francesco Dandolo effaça la honte de Barberousse ». Il convient de rapprocher ces deux événements : grâce à l’aide des Vénitiens, Alexandre III put, au XIIe siècle poser son pied sur le cou de Barberousse en citant les mots du psaume : « Tu mettras le pied sur le lion et le serpent ». Cent cinquante ans plus tard, l’ambassadeur vénitien, Francesco Dandolo, ne pouvant obtenir une audience du Pape Clément V auprès de qui il avait été envoyé pour implorer la révocation de la sentence d’excommunication prononcée contre la République, se cacha (suivant la tradition courante) derrière la table où allait dîner le Pontife. Il sortit de sa cachette lorsque le Pape s’assit à table : il embrassa ses pieds et obtint, par ses supplications entre-