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Venise, l’image des Vertus. Les deux statues latérales de la Justice et de la Tempérance sont remarquablement belles, et durent être exécutées par un sculpteur florentin : Florence était alors en avance d'un demi-siècle sur Venise comme sentiment religieux et puissance artistique. La tombe de Morosini est la première tombe réellement vénitienne où apparaissent les Vertus. Tâchons de pénétrer le caractère du mort.

Le lecteur doit se souvenir que j’ai daté le commencement de l’abaissement vénitien de la mort de Carlo Zeno, estimant qu’un État ne pouvait pas décliner tant qu’il possédait un tel citoyen. Carlo Zeno fut candidat au bonnet ducal en même temps que Morosini et ce dernier fut choisi. On doit croire, dès lors, qu’il y avait en lui quelque chose d’admirable ou d’illustre : le lecteur reconnaîtra, après avoir lu les extraits suivants et les avoir comparés entre eux, qu’il est difficile d’arriver à se faire une opinion justement fondée.


1° « A Andrea Contarini succéda Morosini, âgé de soixante-quatorze ans, homme très instruit et prudent, qui fit certaines réformes. » (Sansovino).

2° « On croit généralement que, si son règne eût été plus long, il eût ennobli l’État par de nobles lois et institutions, mais autant son règne donna-t-il d’espérances, autant fut-il court, car il mourut quatre ans après avoir été mis à la tête de la République. » (Sabellico.)

3° « Il ne lui fut permis de jouir que pendant peu de temps de la haute dignité qu’il avait méritée par ses rares vertus, car Dieu le rappela à lui le 15 octobre ». (Muratori.)

4° « Deux candidats se présentèrent : l’un était Zeno, l’autre, ce Morosini qui, pendant la guerre, avait triplé sa fortune par des spéculations. Les suffrages des électeurs