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NOTES

Venir li fist prochiennement.

Théophillus, ce dist l’estoire,
Ainz puis ne pot mangier ne boivre
Qu’ot recéu son Sauvéor.
Moult ot en lui bon[1] péchéor,
Et mout par ama docement
La mère au doz Roi qui ne ment,
Et moult la servi volantiers.
Iij. jors jéuna touz entiers
En oroisson devant s’ymage.
Tant la pria d’entier corage[2],
De chaut cuer, d’entier[3] et d’engrez
Qu’en .iij. jors ne plus que un grès
Ne se croula ne ne se mut.
Droit au .iij. jor, quant finer dut,
Sez compangnons a touz mandez ;
S’ez a à Dieu touz commandez.
Bessiez les a com bien apris,
Et puis à tous a congié pris.
« Seingnor, fet-il, à Dieu le Père
Et à sa douce sade mère,
Qui de moi face lor commant,
D’ore en avant toz vos commant. »
Puis ne lor dit ne plus ne mains ;
Vers l’ymage estant ses mains,
Et si s’errent, à ieuz moilliez,
Piteusement ajenoilliez.
La douce mère Dieu regarde :
« Dame, en tes mains et en ta garde
Commant, fet-il, mon espérite. »
Si tost com la parole ot dite
La boche ovri, si rendi l’âme
Devant l’ymage Nostre-Dame.
Si compaignon, quant mort le virent,
Assez plorèrent et gémirent.
De toutes parz li pueples vint ;
El lieu méisme où ce avint

  1. Ms. 2710. Var. Doz.
  2. Ces deux vers sont ainsi au Ms. 6987 :
    En orison de fin corage,
    De très fin cuer sotil et sage.
  3. Ms. 2710. Var. D’ardant.