Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/24

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que j’espère nécessiter l’avenir, au moins mon avenir intérieur. Si je cueille un fruit, ce n’est pas seulement parce que mon bras n’est pas paralysé physiologiquement ; c’est aussi parce que ce fruit, je le sais, calmera ma soif ou ma faim. Détruire ma croyance au déterminisme, ce serait me supprimer tout motif d’action et briser le ressort même de ma liberté.

Les deux contraires affirmés simultanément par chacun de mes gestes et même — puisque toute parole est un acte — par les mots dont je me servirais pour les nier, ce n’est pas au savant ou au sage, c’est au métaphysicien à rêver leur accord profond. Ainsi il réparera le mal qu’il a causé.

Car ces contraires ne deviennent intolérants et contradictoires que par la faute du métaphysicien qui sévit secrètement dans le savant ou dans le moraliste. Le déterminisme, envahisseur comme un déluge, prétend couvrir jusqu’aux plus hauts sommets : c’est pour obéir à mon besoin métaphysique d’affirmer l’unité. La contingence se montre exigeante comme une folie de révolte : c’est pour satisfaire un autre désir métaphysique, pour saisir, dans l’individu, l’absolu le moins fuyant et le moins décevant. Que ne suis-je assez raisonnable pour me transformer d’absurde métaphysicien qui affirme en joyeux poète qui rêve. Les rêves ont des souplesses qui se marient. Les affirmations sont des brutalités qui laidement se bousculent.

Ô beauté large et sinueuse, comment te chanter par des mots assez précis pour te désigner, assez vagues pourtant et caressants pour ne point te détruire ? Le déterminisme a son domaine, la liberté a le sien ; et cependant l’un et l’autre emplissent magnifiquement l’univers. Ne nions pas la