Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/26

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devenir harmonieux et, pour quiconque pense avec grâce, concevable. Voici le statuaire devant un bloc de marbre. Qu’est-ce que le savant nous apprendra de la statue future ? Il affirme qu’elle pèsera moins que le bloc et il ajoute d’autres détails naïfs concernant la matière. Mais que de choses il ignore concernant la forme et, par exemple, celle-là seule qui importe, à savoir si la statue sera belle ou laide, chef-d’œuvre ou besogne vulgaire. Ne serait-ce pas que le déterminisme est maître au royaume de la matière ? Ne serait-ce pas que la liberté est une forme, mère des formes ? Mais hâtons-nous de défendre la fluidité de ces formules analytiques. Ne leur permettons pas de se préciser et de se solidifier : leur glace écarterait le baiser des choses, puis fendrait et pulvériserait les choses elles-mêmes. Qu’elles continuent leur écoulement fertile sous le tiède et libérateur zéphyr de formules synthétiques. Il ne peut y avoir de forme que supportée par quelque matière, il ne peut y avoir de matière sans quelque rudiment de forme.

La grande beauté du déterminisme, c’est qu’il rend le monde intelligible. Mais le réel est-il intelligibilité et subit-il, ailleurs que dans mon esprit, les exigences de mon esprit ? L’enchaînement déterministe crée en nous l’ordre du cosmos. Qu’on y prenne garde cependant. Si on lui permet une tyrannie exclusive, ne va-t-il pas détruire lui-même son œuvre ? Ne va-t-il pas tout réduire à un mécanisme passif, mort, qui ne saurait se suffire ? Ne va-t-il pas ruiner d’un coup l’infini éternel et la possibilité du commencement ? Par quoi serait déterminée l’éternité, ou le premier mouvement, ou la première pensée ? À force de river les choses les unes