Page:Ryner - Le Subjectivisme, Gastein-Serge.djvu/35

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— Nous sommes les prêtres. Nous sommes le christianisme. Reviens à nous, toi dont l’aveuglement nous repoussa.

— Jésus vous repousserait aussi. Prêtres, n’est-ce pas vous qui l’avez crucifié ? Or vous n’êtes pas ces brutes qui tuent gratis, mais, au contraire, les plus subtils des voleurs. Vous avez escamoté le cadavre et déformé la parole. Le nom de Jésus, grand parce qu’il fut ennemi des prêtres, des tyrans et des riches, parce qu’il défendait de juger, parce qu’il détruisait la morale qu’on appelait alors Loi ou Thora, qu’en avez-vous fait ? Vous vous en êtes servis pour incliner les simples devant les puissances et les mensonges.

— Tu as raison, dit une voix forte — et cette voix sortait de la bouche d’un homme qui danse. Chasse les morales d’esclaves, les doctrines de troupeaux, les maîtres du bon sommeil. Comprends-moi, moi et ma danse. Je suis la sagesse, la puissance et la vie. Je m’appelle Nietzsche, ou encore Dionysos, ou, si tu aimes mieux, Individualisme. Tu m’as repoussé tout à l’heure, parce que tu ne me connaissais pas.

— Je t’ai repoussé, parce que je te connaissais, bête blonde qui te crois un Dieu, fauve qui t’intitules surhomme. Tu es la dernière mode de la folie. Et je te refuse le nom d’individualisme toi qui, détruisant tous les individus au profit apparent d’un seul, n’es qu’appauvrissement et égoïsme.

Le jeune homme dit encore :

— Éloignez-vous, tigres, chacals et renards. Éloignez-vous, toutes les avidités et tous les mensonges. Mes oreilles ont soif de voix sincères. Éloignez-vous pour que j’écoute Jésus et Épictète.